C'est un premier film qui puise, non pas dans les souvenirs personnels du réalisateur, mais dans la volonté de ce dernier de donner l'image la plus juste des quartiers corses dans lesquels il a grandi. Et de se tenir ainsi éloigné aussi bien des clichés façon cartes postales (l'Ile de Beauté) que d'une approche de mafia ou de grand banditisme. Le film met progressivement en place une mécanique implacable, un enchainement d'événements somme toute badins (un cambriolage, quelques objets sans valeur mais aussi deux fusils de collection) qui déclenche un processus irréversible et tristement stupide qui mène au drame prévisible, dans une atmosphère lourde et oppressante, sous un soleil de plomb. Le réalisateur ne nous entraine pas sur une histoire de vengeance ou de règlement de comptes (comme l'entregent du caïd local pourrait le laisser supposer), mais sur la peur de la dénonciation, celle de 'terminer dans le maquis' et sur la place du meurtre et de la violence qui finit par déconsidérer la vie humaine. A un moment, un des sous-fifres du caïd regarde une vidéo d'un homme qui vient d'être abattu dans les parages sans aucune émotion, froid et détaché comme s'il pressentait qu'un jour ou l'autre, son tour viendrait. Bien loin des paysages de rêve, la caméra hante des zones commerciales et résidentielles, laides et sans âme, où les jeunes jouent aux grands. La séquence nocturne est probablement la plus réussie, le film perdant vers la fin en intensité. Si l'interprétation n'est pas toujours à la hauteur, frisant de temps à autre la caricature et l'exagération, on reconnaitra néanmoins à l'ensemble une réelle qualité de mise en scène et de construction du récit. Enfin, le film aborde également la question de l'acceptation et de l'intégration de la communauté marocaine dans un territoire où elle peine à trouver ses marques, stigmatisée et parfois humiliée par les indigènes - lesquels considèrent d'ailleurs les continentaux avec autant de mépris en les affublant du sobriquet dédaigneux de 'gaulois'.
Région très rarement investie par le cinéma national, on apprécie donc d'autant plus qu'elle soit pour le coup montrée sous un aspect réaliste et inhabituel, même si tout ceci inspire aussi une certaine terreur. Dans ce western corse (le titre bien sûr, mais aussi les espaces et un milieu essentiellement masculin), ces jeunes 'Apaches' joués par des comédiens amateurs renvoient directement à la petitesse, la mesquinerie et la lâcheté de l'être humain. On en ressort l'esprit sombre.
PatrickBraganti
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le 14 août 2013

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