Je l'avoue, j'attendais cette adaptation avec une certaine bienveillance. Pour son casting d'abord, un peu cassé mais intéressant, avec un Alex Lutz en Fantasio qui m'a presque vendu le film à lui seul. Pour son réalisateur aussi, qui s'est déjà montré capable d'une relative indépendance et qui a le mérite de détoner un peu dans le paysage balisé de la grosse comédie française. Sans doute pas le fleuron de la production française, mais c'était toujours l'occasion d'éviter un Thomas Langmann. Bref, les conditions me semblaient réunies pour livrer tant une adaptation honnête qu'une comédie réussie. Mais la réalité s'est bien vite chargée de doucher jusqu'au moindre de mes espoirs. Car force m'a été d'admettre en sortant de la salle (blasé et vermoulu) que ce Spirou n'est rien de moins que la pire adaptation de BD qu'ait jamais produit le cinéma français, encore pire que le tristement célèbre Astérix aux Jeux Olympiques et même que le Marsupilami, adapté du même Franquin.


Autant faire une liste de tout ce qui est raté dans le film d'Alexandre Coffre. L'échec numéro un, c'est le scénario. Passons déjà sur l'irrespect total du traitement du personnage de Spirou, présenté comme un vulgaire voleur (the fuck ?). On se situe à un tel degré de ratage que les efforts (déjà pas bien épais) déployés par l'équipe dans les autres compartiments deviennent complètement inutiles. Le film affiche 1h20 au compteur, mais semble durer le double tant il ne s'y passe rien. Des dizaines d'albums Spirou, de l'imaginaire foisonnant de Franquin, des innombrables personnages hauts en couleur, d'aventures épiques et de contextes absurdes qui pullulent dans les BD, les scénaristes n'ont retenu qu'une poignée de personnages emblématiques, par ailleurs très peu respectés. A 99%, le film est constitué de scènes d'action sans le moindre liant, qui empilent les incohérences, comme à la poursuite d'une logique invisible. Les nombreux fauteuils qui claquaient pendant la projection faisaient écho à la non-évolution de l'histoire, qui met en scène Spirou, Fantasio et Seccotine à la poursuite du méchant Zorglub... sans en connaître les desseins. L'histoire est un enchaînement de trous béants qui enfile les décors et les péripéties avec une maladresse inouïe. Le plus sinistre reste pourtant que cette absence de souffle épique n'est même pas contrebalancée par l'humour, puisque, et c'est une première dans ma vie de spectateur de comédies françaises daubées : absolument personne n'a ri dans la salle, à aucun moment. Ni les enfants, ni leurs parents, ni les trentenaires nostalgiques pourtant bien disposés dont je faisais partie. Il semble qu'on tienne là la première comédie d'aventures dépourvue d'aventures comme d'humour.


Le deuxième malaise, c'est la mise en scène. Alexandre Coffre n'est absolument pas à son aise. Déjà empêtré dans une histoire absente qu'il doit s'efforcer de faire exister, il n'a en plus aucun ressort comique ni épique à faire valoir. Sans doute contraint par le besoin d'être tout public, et à mon avis atteint d'une flemme aigüe de surcroît, le voilà donc qui reproduit mollement les tics habituels du genre, en empilant les faux-raccords et les invraisemblances, qu'on finit par ne plus compter. La laideur des décors, l'anonymat de l'image, l'incompétence dans le timing des effets comiques, l'absence totale d'imagination (ou même d'imaginaire), jusqu'à la teinture rousse affreuse de Thomas Solivérès inspirent une pitié qui finit par se transformer en rage. Comment est-il possible de se planter à ce point ? Même feu Astérix aux Jeux Olympiques diffusait une meilleure énergie. La caution indépendante que Spirou essaie de se donner ne suffit plus au bout d'à peine quinze minutes, quand on a compris que le metteur en scène se permettrait toutes les paresses, toutes les approximations. Alexandre Coffre dira sans doute que c'était la faute des scénaristes. Il n'aura qu'en partie raison.


Enfin, le troisième et dernier malaise, résultant des deux premiers : le casting. Un véritable crève-cœur pour moi, et la preuve définitive qu'il faut fuir ce film comme la peste (oui, même s'il passe à la télé). Pas un seul des acteurs de ce film ne joue ne serait-ce que correctement. Certes, la mise en scène ne leur rend jamais justice, de même que l'image terne et le montage sous sédatif. Mais cela reste un désastre absolu en termes d'implication. Alex Lutz lui-même, dont le répertoire est pourtant extrêmement large et qui fait partie en ce qui me concerne des meilleurs acteurs comiques vivants (rien que ça, j'assume), est en sous-régime au point que ça en devient affligeant. Certes pas aidé par des tentatives de gags d'une nullité qui confine au prodige, il échoue totalement à donner corps au personnage de Fantasio, se contentant d'une série de punch-lines d'une mollesse inouïe. Il aurait au moins pu faire un effort sur sa présence, mais même pas. Le même reproche s'applique à Thomas Solivérès, erreur de casting manifeste, tout comme à Clavier, Nakache (dont le personnage n'a bizarrement pas le moindre ressort comique, une aberration compte tenu du talent de l'actrice), Desagnat, Gabris... seul Ramzy en Zorglub tire vaguement son épingle du jeu dans les vingt premières secondes. C'est maigre, à tout le moins.


Le point positif de ce ratage absolument intégral est qu'il permet de réévaluer certains films considérés comme mauvais. Peut-être que PEF, qui sortira prochainement son Gaston Lagaffe, sera enfin reconnu à sa juste valeur malgré ses défauts évidents et que Les Profs auront enfin droit à la seconde chance qu'ils méritent. Peut-être que le film que PEF a tourné avec Solivérès lui-même et Isabelle Nanty, Mon Poussin, aura un peu plus la reconnaissance qu'il mérite. Peut-être aussi que les gens trouveront un meilleur intérêt aux gesticulations de Géraldine Nakache dans L'Ex de ma vie, ou même au trio qu'elle formait déjà avec Alex Lutz et Ramzy dans "Il reste du jambon ?" dont on ne dira désormais jamais assez que c'était une comédie sympathique. Que voulez-vous, à force de toucher le fond, il faut parfois réévaluer le niveau de la mer.

boulingrin87
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le 24 févr. 2018

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Seb C.

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