Le dépaysement que procure "El Haimoune" vaut le détour pour tous ceux qui cherchent à explorer les régions situées au-delà d'une certaine frontière communément admise, délaissées par le cinéma classique (un grand mot qui veut tout et donc rien dire). Dépaysement géographique, d'une part, puisque Nacer Khémir nous invite au voyage dans les contrées reculées du désert tunisien, au cœur d'un mystérieux village fantomatique, aujourd'hui, mais qui autrefois abritait une magnifique oasis. Dépaysement cinématographique, d'autre part, puisque le récit prend la forme d'une succession de deux ou trois contes arabes, sans véritable frontière, à la narration inhabituelle pour nous autres occidentaux.


Un instituteur qui arrive dans un village dénué d'école, des enfants obnubilés par des miroirs et des jardins imaginaires, un vieillard qui cherche un trésor dans le désert depuis 50 ans, le bateau de Sinbad qui apparaît par magie aux abords du village et des des disparitions tout autant magiques... De deux choses l'une : ou bien on accepte les contours flous et vaporeux de ces histoires et on se laisse porter par la magie des contes, ou bien on cherche à saisir cet imaginaire par la logique, au risque de rester sur le bord du chemin sans avoir tout compris (un peu comme le personnage du sergent irascible). Difficile voire impossible (pour moi) de démêler le vrai du faux ou la réalité de l'imaginaire dans ces fables entremêlées, peuplées de djinns et autres figures énigmatiques.


Mais si on se laisse porter par la tonalité mystique, par les couleurs ocres du sable et des murs, par le mystère d'une présence féminine ou par les costumes bigarrés des habitants, "El Haimoune" distille sa poésie arabe avec une certaine force. Les enfants qui disparaissent pour constituer une troupe énigmatique d'apparitions errant dans le désert autour du village est une malédiction envoûtante, issue de mythes (qu'on imagine être) moyen-orientaux. Si l'on excepte certains dialogues un peu raides et la partie relative au sergent-inspecteur dépêché sur place, à l'humour pas toujours efficace, l'atmosphère qui règne dans le village est captivante. Un voyage apaisant, à condition de savoir s'abandonner à de tels mystères et à ce folklore, comme un plongeon dans une mer de confusions incertaines, douces et agréables.


[AB #188]

Morrinson
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le 10 janv. 2017

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