Couronné de l'oscar du meilleur film en 1982, Les Chariots de feu tire son récit d'une histoire vraie : celle de deux athlètes britanniques concourant aux Jeux Olympiques d'été à Paris, en 1924. Un triomphe à la portée symbolique qui ne renie pas, comme tant d'autres films oscarisés, les valeurs élémentaires qui jalonnent les principes mêmes de la compétition et du surpassement de soi. Il y sera question, bien évidemment, au vu des enjeux dramatiques récurrents qui transpirent des scènes où l'homme combat les limites qu'il s'impose. L'analyse est souvent évidente : les drames qui traitent de sport n'en parlent pas vraiment, ils sondent l'humain, sa complexité, sa force morale, ils interrogent les motivations qui les poussent à avancer. C'est sur ce point précis qu'Hugh Hudson s'est senti investi d'en retranscrire l'histoire, car ces deux héros, aussi humains soient-ils, ne courent pas : ils font face. Devant cette adversité Harold Abrahams, au nom sémite porteur d'histoire, en est le symbole. «Pourquoi courez vous ?» lui demande t-on.«Parce que c'est une drogue, une contrainte, une arme.». L'aveu est manifeste, il témoigne d'une conviction, d'une contre-idéologie, jamais de l'amour du sport non, plutôt d'une guerre. «Contre quoi?», il répond : «Être juif.». Sa motivation est complexe mais compréhensible, sa bataille est identitaire, patriotique, ses ennemis : les antisémites. Son arme : lui même. Son champ de bataille : les stades. Tout ça est filmé d'une grâce absolue, d'une perfection de l'image qui rappelle les plus grands chefs d’œuvre. Dès sa première scène Hudson donne le ton : de jeunes athlètes britanniques courent au bord de la mer au ralenti. La musique qui les accompagne est sublime, elle est signée Vangélis et joue un rôle fondamental dans la mise en scène des différentes courses à pied, pivots de la narration. Elle remportera l'oscar.

Le deuxième athlète est écossais, il se nomme Eric Iddell et suit le prolongement d'Harold Abrahams. Ce qui le fait avancer c'est Dieu, c'est sa foi, c'est sa croyance. «Dieu m'a créée dans un but précis, le servir mais il m'a aussi rendu rapide!» Les motivations du personnage sont clairs, c'est elles qui le rendent crédible et lui donne de l'épaisseur. Au même titre qu'Abrahams le sport n'est qu'un prétexte, n'est qu'un outil comme les autres afin de mener les batailles qui les animent. En ce sens la première heure est somptueuse, elle oppose l'évolution, la logique psychologique des deux athlètes aux panoramas réguliers des paysages de Grande-Bretagne. On se surprend à admirer la beauté des images, à se fasciner par la mise en scène aérée, picturale du cinéaste qui qui prend le temps de s'éloigner, de faire respirer l'image par de nombreux plans larges à la lumière éclatante.

L'intention, palpable, du réalisateur est de combiner la puissance du récit à la beauté, divine, de son imagerie. La dernière scène, qui est aussi la première, exemplarise cette volonté : en associant la performance humaine à sa représentation artistique, tout doit s'éclairer. Comme une évidence on s'émeut du brio avec lequel le metteur en scène réussie cette performance, on admire le sentiment métaphysique que se dégage de la photographie. On pense d'ailleurs beaucoup aux portes du Paradis dans sa manière d'explorer le conflit individuel sous des angles métaphysiques, Hudson rappelle, sur bien des aspects, les œuvres de Cimino. Bien moins long que ce dernier, la réalisation peine davantage sur sa deuxième heure, moins contemplative, mais intrinsèquement réussie. Avec 4 oscars, l’œuvre d'Hudson mérite amplement toutes ses louanges. Bien aidé par l'exceptionnelle bande originale de Vangélis, Les Chariots de feu donne régulièrement l'impression d'assister à un grand film. Une sensation qui trompe rarement.
Nicolas_Chausso
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films (re)matés en 2013

Créée

le 10 juil. 2013

Critique lue 392 fois

1 j'aime

Critique lue 392 fois

1

D'autres avis sur Les Chariots de feu

Les Chariots de feu
JakeElwood
3

Y a pas l'feu au lac

Un film lent sur des sprinteurs. Quel beau paradoxe. A la réflexion, lorsque la musique d'un film est plus réputée que le film en lui-même, on est en droit de se poser des questions. Ne mâchons pas...

le 2 juin 2014

16 j'aime

1

Les Chariots de feu
JeanG55
6

Les chariots de feu

"Les chariots de feu" est le film dont tout le monde parlait au début des années 80 sauf moi car je ne l'avais pas vu. Il a fallu que j'achète le DVD il y a quelques années pour enfin voir le film...

le 28 juil. 2022

9 j'aime

10

Les Chariots de feu
BibliOrnitho
10

Critique de Les Chariots de feu par BibliOrnitho

Les chariots de feu, c'est avant tout la musique de Vangélis. Et sur ce plan, le film démarre de manière extraordinaire : ces athlètes des années 20 courant sur une plage anglaise avec, sur le devant...

le 18 janv. 2013

7 j'aime

Du même critique

Le Faucon maltais
Nicolas_Chausso
5

Un classique trop classique

Véritable pionnier du film noir Le Faucon Maltais est à plus d'un titre une étape importante dans l'histoire du cinéma. Porté par beaucoup comme un des grands classiques du cinéma Américain, The...

le 10 juin 2013

29 j'aime

2

Cet obscur objet du désir
Nicolas_Chausso
8

Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus

«Cet obscur objet du désir», quel drôle de titre. Son origine vient d'une citation tirée du livre dont il est l'adaptation : «La Femme et le Pantin», de Pierre Louys. Le titre renvoie inévitablement...

le 19 juil. 2013

28 j'aime

1