On retrouve chez le personnage principal Lampton, jeune homme en devenir, toutes les pulsions, désirs, ambitions, rêves et peurs de la jeunesse d’alors : rêve de sortir de sa condition socio-économique, de posséder une belle Aston Martin, mais aussi crainte d’être vilement écrasé – car le succès a un prix, nous rappelle le réalisateur Jack Clayton.
Dans le pur style « kitchen sink realism » (réalisme d’évier) dont les protagonistes peuvent généralement être décrits comme des « jeunes hommes en colère » déçus par la société moderne, Room at the top pénètre dans l’esprit d’une époque qui, au contraire de celle de ses aînés timorés et fatalistes, lasse de voir les inégalités entre classes se reproduire de générations en générations, prise au piège du déterminisme social, nourrit l’ambition de vouloir sortir des carcans et de devenir ce qu’elle veut être. À cela s’ajoute une manifestation plus franche du désir, voulant se dispenser de la condition sine qua non du mariage pour pouvoir jouir d’une vie sexuelle plus libre, passant par l’expérimentation, l’exploration du corps et des sentiments. Le personnage d’Alice Aisgill, magnifiquement interprété par Simone Signoret (prix d’interprétation à Cannes et Oscar de la meilleure actrice), femme trompée par son mari, de 10 ans plus âgé que Lampton, tiendra le rôle d’initiatrice à l’amour (avec et sans majuscules) dans ce film d’apprentissage ou le côté romance (et le lot de drames qui va avec) tient une place un peu trop prépondérante. Pour anecdote, leur relation extraconjugale, atteinte aux mœurs de l’époque, ainsi que d’autres scènes et certains symboles trop appuyés ont conduit le film à recevoir la mention X – ce qui nous fait bien rire aujourd’hui.
La mise en scène recherchée et subtile de Jack Clayton, qui signe son premier long-métrage, et le splendide noir et blanc de Freddie Francis illustrent parfaitement les tabous, les secrets, les tensions et surtout les rapports de force entre Lampton et ceux qu’il rencontre, aime, dégoûte ou affronte. Les scènes finales sous le pont (bagarre), puis avec la blonde d’un soir et enfin le visage dans le caniveau (effet de circularité) sont remarquables ; de même les rencontres avec les plus puissants, comme celle avec le futur beau-père au restaurant ou encore celle avec le mari trompeur et trompé.
Un film ayant plutôt mal vieilli dans le fond, mais notable par la forme.
7,5/10