Sans avoir lu le livre de Karine Tuil, j’ai été très touché par l’adaptation d’Yvan Attal qui confronte avec un précaire équilibre deux perceptions d’un même évènement tragique. Comment concilier l’idéal de justice et les souffrances individuelles bien concrètes ?
Dans un monde où les lignes bougent enfin et où les femmes ont le courage de revendiquer leur droit à disposer de leur corps, la quête d’un juste équilibre est un sujet dont nous devons collectivement nous emparer. En cela, ce film (et a fortiori le livre) courageux a sans doute la vertu d’éveiller des consciences et de susciter le débat.
Deux mondes se confrontent : une classe aisée, jeunesse dorée méprisante où les pratiques sexuelles sont libérées ; une classe plus modeste, très pieuse, où l’acte sexuel est sacralisé. Lorsque ces univers se rencontrent dans un premier temps, puis se déchirent, nécessairement la perception de la vérité diffère. Et c’est tout le drame de cette affaire : nous sommes loin d’une situation où tout est blanc, tout est noir : alors, comment juger ? Comment la justice peut-elle réparer un délit qui flirte avec toutes les limites ? Qui ne dit mot consent ou bien qui se tait subit ? Comment trouver le juste équilibre entre la lutte contre les violences faites aux femmes et droits de la défense ?
Ce film qui fait la part belle aux scènes de tribunal montre bien qu’il faut distinguer la morale de la justice et rappelle que la justice des hommes n’est pas infaillible car le sentiment prend parfois le pas sur les faits.
Ben Attal est une révélation et fait avec sa mère un duo poignant. Les plaidoiries déchirantes sont menées avec brio par Benjamin Lavernhe et Judith Chemla. On peut regretter que Suzanne Jouannet manque un peu de profondeur, plus particulièrement dans les scènes de détresse.
Cette affaire prend aux tripes et le public se retrouve dans la peau des jurés qui doivent statuer sur deux vies de jeunes déjà brisés. Dommage que le film se termine par l’énonciation du verdict, déresponsabilisant le spectateur face à ce choix cornélien. J’aurais préféré que chacun reste confronté aux choix délicat de trancher : quel aurait été mon verdict en tant que juré ?