La bande annonce me faisait de l'œil et je m'attendais à une merde pas possible, d'autant que c'est réalisé par Yvan Attal. Je ne le porte pas en haute estime et Ils sont partout ne m'a pas aidé à la réconciliation.
Cependant, ce film est absolument fabuleux.
Je vais commencer par les petits défauts pour faire vite : l'omniprésence de musique parfois grotesque, à la fin d'un discours, qui ferait presque dire "on vi dan 1 societer" au personnage. Ensuite, certains gros plans appuient beaucoup trop les émotions des acteurs et cela rend parfois le plan grossier voire vulgaire, parce qu'il insiste à nous dire "aaaaaan regarde la performance et sois subjuguéent".
Mais en même temps, je ne peux pas lui en vouloir. Ses acteurs sont excellents. D'habitude les acteurs je m'en fous, mais là c'est bluffant. Mon préféré est sûrement Benjamin Lavernhe, l'avocat d'Alexandre.
Forcé de constater que le plus gros atout du film est de ne jamais prendre parti pour qui que ce soit et de simplement dresser un constat de la situation : une femme dépose plainte pour viol. Mais personne ne sait ce qu'il s'est passé et personne ne saura jamais. Alors les personnes brodent des histoires et des théories. Certains sont cons (Pierre Arditi, le père d'Alexandre), d'autres sceptiques, d'autres pathétiques (le pote d'Alexandre) et c'est en ça qu'ils sont tous humains.
Le titre, déjà celui du livre, est beau en cela qu'il indique vraiment que nous allons voir un film choral sur des gens humains, beaux dans leur humanité car ni génies, ni savants ni parfaits.
La mise en scène est une sorte de naturalisme presque voyeur, la caméra s'installant généralement dans les décors presque en se cachant, comme si elle filmait un documentaire. La caméra bouge beaucoup et donne une âme au récit, elle le fait vivre, elle nous implique dans le récit, presque comme des témoins désemparés qui ne peuvent agir.
Arrivée au procès, la mise en scène devient beaucoup plus calme et sage. Le procès est un moment très important, la mise en scène se focalise sur ses acteurs. Et la performance est là. Beaucoup de plans-séquences permettant aux acteurs de s'exprimer dans une justesse qui est parfois déroutante. Je pense notamment à la séquence de plaidoirie qui n'est qu'un seul plan-séquence de 15 minutes, à peu près, pendant lesquelles la caméra se balade entre les acteurs qui parlent et se déplacent.
Le film est ponctué par quelques flash-back de la fameuse soirée pendant laquelle a eu lieu le viol. Certains les trouvent de trop, moi je trouve qu'ils accentuent le suspens. Parce que le spectateur est voyeuriste, il veut savoir ce qu'il s'est vraiment passé. On lui montre la soirée, là où tout a commencé. Alors il veut voir la fameuse scène de viol, il veut qu'on lui raconte la vérité. Mais nous n'aurons rien de tout ça. Parce que nous n'en avons pas besoin. Nous ne devons pas être complices ni témoins. Il y a un sentiment de gêne pendant ces flash-backs, on a envie de se gratter en les voyant. C'est comme voir une scène dans laquelle nous savons où se trouve le tueur et que sa victime se dirige vers lui sans le savoir. Nous savons qu'il va arriver quelque chose, qu'il va surgir. On nous l'a dit qu'il allait se passer quelque chose. Le film prend 2h pour l'installer. Mais il se refuse à nous le montrer et il a raison. Le film est sage.
Aussi, le réalisateur prend vraiment son temps pour développer ses personnages, les présenter aux spectateurs pour ensuite les montrer en train de chuter. Certains riaient devant le discours du père d'Alex ou son meilleur pote, parce qu'ils sont ridicules et cons. C'est vrai, il faut le reconnaître. Mais c'est parce qu'ils sont humains. En même temps, en tant que père, demain votre fils est accusé de viol, comment réagissez vous ? Vous chercherez 10 000 excuses à votre fils, vous prendrez sa défense, vous le protégerez, vous vous protégerez aussi.