Trois ans après Dragons, Chris Sanders frappe très fort avec son nouveau film d’animation. Énorme succès planétaire, Les Croods nous narre les aventures d’une famille d’hommes des cavernes, devant fuir leur foyer suite à un cataclysme planétaire (la séparation des continents). Guidés par un jeune garçon au prochain stade de l’évolution (Néandertal contre Cro-Magnon), ils partent en quête d’un nouveau chez-eux, abandonnant tout ce qu’ils connaissent et surtout, leurs préjugés.
Film moderne dans le propos (conflit de génération, rapports père/fille, thème de l’évolution, ne pas avoir peur de l’autre, apprendre la confiance, admettre ses erreurs) et dans le rendu (tout le monde a une mise en plis magnifique, le cheveux propre et un comportement « actuel ») et ça marche !
Les Croods proposent plusieurs niveaux de lecture qui font le ravissement des petits et des grands. S’adressant à un public large et familial, ce film se hisse très largement au niveau de Dragons, et je me demande même s’il ne le surpasse pas. Il faudra une deuxième vision pour en être sûr. Rien à dire sur l’animation sinon qu’elle est parfaite. Je pense qu’on ne fait rien de mieux à ce jour dans ce domaine. Les couleurs sont impressionnantes de vie, de gaité, les textures n’ont jamais été si fines (chaque cheveux, chaque poil, chaque écaille brille, sublime, dans le vent). On n’a jamais aussi bien rendu l’eau que dans ce film : les quelques plans à la mer et sous l’eau sont juste de toute beauté. Les mouvements de chaque personnage du film est finement étudié et transcrit. Le faible nombre de protagoniste (7 au mieux), permet aux animateurs de s’en donner à cœur joie sur les arrière-plans (qui manquaient un peu de vie dans Dragons). La faune et la flore de ce « monde perdu » n’a jamais semblé si dense, si bruissante, si vivante. Sans parler des « animaux de compagnie » qui, à eux seuls valent le détour.
Sur un scénario intelligent et mené tambour battant, sans temps mort, la drôlerie est omniprésente. Sans vulgarité (ni humour scato « shrekien », ça fait du bien), bien pensé, il y en a pour tous les goûts et tous les âges. Du bébé hargneux qui dévore tout, aux marionnettes piégeuses, au duel au soleil avec un tronc d’arbre, autant dire qu’il y a des références dans tous les sens et que jamais on ne s’ennuie une seconde. Certaines trouvailles sont juste géniales dans les mimiques et les bruitages (Ah ! Belt, la ceinture vivante !), d’autres dans les dialogues (le gag récurrent et évolutif de la lueur d’espoir qui naît dans l’œil de Grug, le père, espérant le décès de sa belle-mère et, soudain, la dite mémé qui crie : « toujours vivante » est inénarrable), d’autres encore dans le visuel (le lapin à dent de sabre qui me rappelle le lapin-garou de Wallace & Gromit). Trop de petites perles traversent l’écran pour être toutes décrites.
Si l’évolution de Grug est un peu brutale et rapide (faute à la durée du métrage, trop courte selon moi), elle demeure très intelligemment et logiquement faite. Les rapports familiaux sont une fois de plus au cœur du film (comme de nombreux autres dessins-animés de ces dernières années : Dragons, Rebelle, Nemo, etc.). Là où Rebelle justement m’avait déçu, celui-ci est au contraire très réjouissant. On m’avait mis en avant que je ne devais pas trop apprécier que dans Rebelle, l’héroïne soit une fille. Mais mon problème avec Rebelle ne venait pas de là. Ici aussi notre héroïne est une fille, pleine de vie, pleine de folie, tenace, farouche, bref : une vraie héroïne. Et ça ne me pose pas de problème. Mais là où Rebelle proposait une histoire finalement plus classique, Les Croods fait souffler un vent de folie (cher à Dreamworks) qui manque un peu dans Rebelle, plus contemplatif et, somme toute, moins vivant. Les Croods, c’est de l’adrénaline, de la poésie, de l’humour et du bonheur en barre de mithril brut, comme j’aime à le répéter. Ce film m’a trimbalé toute sa durée et c’est vraiment ce qui compte le plus.
La fin du film est assez originale, très drôle et s’ouvre sans problème sur un deuxième volet, déjà en production, et nous promet encore de plus belles aventures. Ce film et ses futures suites semblent promis aux meilleurs augures. Espérons seulement qu’à la différence de Shrek ou de l’Âge de glace, ils sauront s’arrêter à temps avant que la lassitude et la qualité ne baisse inexorablement.
Au total : j’ai eu la banane pendant une heure et demie. J’ai pu voir le film sans la 3D et qu’est-ce que c’était bien ! Je n’aime décidément pas la 3D, surtout sur un film d’animation. Les lunettes qu’on nous impose posent un voile terne et gris permanent sur l’image. Dans un film comme Les Croods dont les couleurs sont sublimes, c’est clairement criminel. Heureusement que la petite salle où je vais n’est pas (encore) équipé de cet instrument inutile qu’est la 3D (dont le but final me paraît définitivement de nous faire payer plus cher une séance de cinéma, déjà hors de prix). Alors, surtout, si vous le pouvez, voyez ce film d’une façon traditionnelle, vous y prendrez bien plus de plaisir.