Tourné après Django et Navajo Joe et avant Le Grand silence, Les Cruels n’est pas le western le plus connu de Sergio Corbucci. On pourrait même écrire qu’il s’agit certainement de son plus confidentiel. Mal reçu à sa sortie, mal distribué, il n’est connu du public français que depuis les années 2000 grâce à une première sortie sur support. Une réparation tardive qui peine à se justifier tant le film est d’une parfaite justesse. Sur le plan du scénario, d’abord, le récit jouit d’une très belle écriture. Contrairement à d’autres westerns de cette époque avec leurs péripéties qui sont, le plus souvent, des prétextes à des scènes d’action finalement inutiles sinon à donner un ton noir à l’ensemble, Sergio Corbucci signe un road-movie dont chaque séquence permet de mieux cerner encore ses différents personnages. Parmi eux, un Joseph Cotten pas en Italie pour encaisser un chèque mais pour livrer une composition tout en nuances d’un Sudiste qui, comme au grand temps de la République de Salo, refuse de remiser son idéal au placard. Entouré de ses trois fils, dont deux dégénérés uniquement intéressés par l’appât du gain ou assoiffés de violence, il incarne une humanité qui a perdu son humanité. Seul son dernier fils apporte un brin de lumière dans ce tableau d’une noirceur sans nom.


Moins nihiliste que certains autres de ses titres pour cette raison-là, le résultat n’en demeure pas moins une charge contre l’homme qui ne s’accomplit que dans le sang. Comme dans Django, le cercueil transporte autre chose qu’un corps, et ce détournement concourt à noircir le propos. Tourné intégralement à Almeria, le film met en évidence qu’avec un peu d’effort, il est possible de proposer des décors variés et d’éviter de montrer toujours les mêmes lieux qui reviennent d’un western européen à un autre. En cela, le convoi qui nous est montré gagne en crédibilité par rapport à d’autres westerns tournés à cette époque. Rien que cet élément démontre l’exigence de la réalisation.


Porté par un joli thème musical signé du grand Ennio Morricone et une ambiance tragique, Sergio Corbucci réalise peut-être un film moins baroque que ses titres les plus connus, mais il trouve le parfait équilibre entre ce que peut être une œuvre faisant référence au western américain et ce que l’Italie apporta comme éléments nouveaux. Un récit simple mais d’une grande efficacité, une réalisation soignée et des acteurs convaincants sont les atouts évident d’un film qui mériterait de retrouver sa juste place dans l’histoire du western européen. Pas tout en haut de la pile, on est d’accord, mais dans le lot des titres qui comptent. Un très bon moment.


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PIAS

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