Les Démons d’argile est un film de 2022 réalisé par Nuno Beato, coproduit par le Portugal, l’Espagne et la France. Il s’inscrit dans un registre dramatique aux accents poétiques et fantastiques. Le récit suit Rosa, une jeune femme endeuillée, contrainte de retourner sur les lieux de son enfance après la mort de son grand-père. Rongée par la culpabilité de l’avoir négligé, elle découvre peu à peu les traces d’un passé trouble, et une série d’indices qui pourraient réhabiliter l’image d’un homme honni par son village.
Le film est un concentré d’inventivité. Il réussit la fusion de plusieurs genres — le drame intime, le conte symbolique, la chronique sociale — sans jamais perdre sa cohérence. L’alchimie entre animation en volume et animation numérique crée une matière visuelle singulière, au service d’une narration subtilement fragmentée. L’histoire déploie une série de péripéties inattendues, portées par une intensité émotionnelle d’une grande justesse. Les personnages, notamment Rosa, sont écrits avec finesse et ancrés dans une vérité émotionnelle touchante. Le traitement du deuil, du pardon et de la mémoire familiale fait preuve d’une pudeur rare. Le ton n’est jamais larmoyant, toujours retenu. On sent dans chaque plan une volonté sincère de raconter autrement, par la matière, la texture, les silences.
L’animation en volume donne au film une identité artisanale, presque brute, qui participe de sa force d’évocation. En revanche, l’incrustation de séquences en 3D numérique nuit à l’unité de l’ensemble. L’aspect rigide, froid, presque générique des éléments numériques rompt l’élan poétique initié par les séquences en volume. Certains plans larges manquent également de précision et trahissent un manque de moyens ou de maîtrise technique, ce qui affaiblit la qualité immersive du décor. L’alternance de styles, bien que justifiée par la narration, ne parvient pas toujours à masquer la disparité des rendus visuels.
Malgré ses faiblesses formelles, Les Démons d’argile s’impose comme une œuvre marquante, originale et profondément humaine. L’accueil critique, discret mais globalement positif, confirme le statut de ce film comme un bel objet cinématographique, à découvrir pour son ambition artistique et son regard singulier sur la transmission, la faute, et la rédemption. Un film rare, sincère et inspirant, qui mérite largement qu’on s’y attarde.