Ce que j'aime chez Truffaut, c'est toute la chaleur humaine qu'il dégage. Il y a une véritable tendresse chez lui, on sent chaque geste, chaque toucher, dans toute leur douce et chaleureuse matière.


Et tout cela se retrouve dans ce métrage, duquel il semble vouloir faire une encyclopédie des relations amoureuses.
Car c'est bien le sujet du film, les relations amoureuses entre les personnages et plus que ça, leur constante nature changeante. Il arrive réellement à saisir toute cette frivole complexité des rapports humains, ces vas et viens constants des sentiments, selon les rencontres et l'environnement.
Et tout cela se déploie à l'écran d'une manière si naturelle, qu'on ne croirait la chose orchestrée.


Pourtant, j'ai bien trouvé le film un peu long à démarrer.
Cette partie dans laquelle nos personnages se rencontrent est bien évidemment essentielle au récit, mas bien qu'elle soit sympathique et nous laisse deviner le devenir de ce trio, j'avais un véritable sentiment de longueur et de n'aller nulle part.
Mais ce flou s'est dissipé au tournant du film, qui est la séparation de l'artificiel couple naissant, afin de tester leurs réel attachement, ici le film prend toute son ampleur.


Cette opposition entre Muriel et Claude face à l'épreuve de leur fidélité est je trouve parfaitement orchestrée.
D'un côté nous avons Claude qui, dans un milieu abondant de femmes et propositions passe finalement à autre chose devant tant de choix.
De l'autre, Muriel, isolée dans sa campagne et instruite de l'église, ne peut que penser à Claude et être dévastée à la réception de sa lettre.
Et cette capacité de chacun à passer à autre chose, est parfaitement illustrée par leurs temps d'écran respectifs : court pour Claude et beaucoup plus long pour Muriel qui espère, s'accroche et retourne le problème dans tous les sens, nous faisant vivre à travers elle cette longue et vaine attente jusqu'à une certaine folie.


Comme dit en introduction, pour Truffaut les sentiments sont frivoles, et bien que certains persistent chez l'un, ils s'évanouissent chez l'autre, comme une impossibilité de s'accorder, chose qui ne le serait que dans une naïveté enfantine. ( retour au début du film )
S'en suit donc après cet épisode, un enchaînement de relations diverses et découvertes charnelles des personnages, on a vraiment une large palette de situations toutes vraisemblables.
Tous les personnages y sont égaux et il n'y a jamais de jugement moral, que ce soit pour la fille qui se dévoie, le jeune homme à la jalousie naissante alors que lui même cours à droite et à gauche, ou encore ce critique d'art à la première apparition vulgaire, qui s'avère au final tendre et touchant.


Cette volonté de Truffaut, de vouloir décrire la réalité des relations sans aucun jugement moral peut être rapprochée de celle de Hong-sang-soo. Mais je préfère Truffaut à HSS, ce dernier ayant un oeil plus froid et misanthrope là ou Truffaut, bien que dépeignant aussi un certain pathétique, n'est que douceur et chaleur humaine, il aime ses personnages.


Douceur, c'est ce qui pourrait qualifier la caméra de Truffaut qui semble accompagner le mouvement de la vie qu'elle film.
Sa réalisation de manière générale frôle la perfection.
On sent que Truffaut à mis du coeur dans son film et le maîtrise, et ça fait toujours du bien de voir des plans travaillés, pensés et bien exécutés.
Il n'y a jamais de coupe inutile, et cette économie de l'efficacité m'est fort chère. Qui plus est quand la parfaite maîtrise de l'objet ne tombe pas dans la rigidité du contrôle absolu, non, ici tout est souple.


J'ai juste une petite retenue sur la voix narrative dont je ne comprenais pas l'intérêt, et la pensais même comme une erreur.
Mais avec un peu de recul, elle semble servir le propos, comme une illustration de toutes ces relations qui, heureuses ou malheureuses, ne sont que de simples épisodes d'une vie.


Nous avons donc un film bien charmant, à l'ambition de retranscrire toutes relations et sentiments.
Bien qu'il n'aurait pas perdu à être amputé de quelques minutes, cette introduction nous permet de passer du temps avec ces personnages, l'occasion d'une rencontre entre tradition et modernité, puritanisme et libéralisme.

xaiy
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le 6 mai 2021

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