Un éléphant en pleine grâce
Cette critique contient des spoilers. A ne pas lire avant d'avoir vu le film.
Les Enfants Loups, Ame & Yuki utilise des ficelles grosses comme ça. Enième parcours initiatique de deux enfants en quête de soi. Enième portrait de la mère sacrifiée (qui est une bonne mère parce qu'elle fait la cuisine, là où est sa place). Enième vision idéalisée d'une vie quotidienne japonaise (en ce sens, Mamoura Hosoda partage un point commun avec Hayao Miyazaki) avec un couple vivant dans la bohème et la précarité (petits jobs). Enième retour à l'origine (et à la vertu) de la nature (cela permet au public japonais d'avoir sa dose de verdure pour l'année). Enième portrait de la vie scolaire, monde à part. Nous pourrions, j'en suis sûr, continuer la liste.
Pourtant, Hosoda Mamoru prouve une chose avec son film : ce n'est pas invoquer de grosses ficelles qui est condamnable, mais la façon dont on les utilise. Tout dans le film est élégant. Pour le dire autrement, vous ne pleurerez pas devant des sentiments factices, mais pour des vrais.
Le récit est délicieux de symbolisme, d'enseignements, de surprise. La sauvage Yuki qui préférera la voie des hommes et le craintifs Ame qui préférera la voie de la nature. Rien n'était joué d'avance, aussi grosses étaient les ficelles du film. Tout ce qui est essentiel et propre à ce récit en particulier est calculé avec minutie, sans surenchère au delà des apparences convenues.
La détresse si belle d'Ame quand il lit les contes populaires sur les loups. Ou quand les deux enfants quittent la maison. L'école se trouve à gauche. Et dès le premier jour, Ame regarde à droite, vers la nature. Le charme factice de Yuki pour ne plus se transformer en loup. Le personnage de Sôhei qui explique qu'il serait prêt à vivre au jour le jour, de façon précaire, avant même d'entrer en 6e : ou la plus belle déclaration d'amour qui s'ignore d'un enfant pour une autre, différente. Cela sans oublier la conception si singulière de voir la nature, à la japonaise. La mère qui, dans un premier temps, tente de dominer la nature avec ses livres de connaissance, comprendra qu'il s'agit avant tout de compréhension et de respect. De sagesse.
Et puis ce jour de tempête. Symbole bouddhique d'une vie qui se refait, qui renaît (similaire à la tempête de Ponyo).
Les Enfants Loups, Ame & Yuki est comme un éléphant qui danse avec grâce et légèreté. Alors oui, le film tombe dans l'excès, avec la vision du père dans un paradis éthéré à la fin du film. Mais ce serait oublier qu'il n'existe dans le film que part une babiole en guise de legs, un permis de conduire retrouvé dans une porte-feuille auquel se rattachera sa femme et qui lui donnera une force dont peu sont capables devant... un amour sincère.
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