Les enfants pas terribles

Faut-il parler du réalisateur avant de parler du film ? Ce sujet de dissertation pour classe de première n’empêche pas de préciser que Cocteau aurait choisi Melville après avoir visionné « Le silence de la mer » pour adapter son roman au cinéma.

Il me semble que l’impression favorable qu’il avait pu avoir alors ne résiste pas vraiment au temps qui passe. Ce dernier film, et le roman de Vercors dont il est tiré, ont énormément vieilli. Peu-être aurais-je l’occasion d’en reparler un jour?

Néanmoins la réussite de ce premier film de Melville,du point de vue de la critique et du public en 1948 convainc Jeannot de lui faire confiance, puisqu’il était apparemment trop occupé pour réaliser lui même. Il va demeurer omniprésent dans ce film néanmoins, puisqu’il assurera la voix off, de ce ton à la fois inimitable et sentencieux, chose qui ne contribuera pas nécessairement à l’intérêt du film. Ceux qui ont visionné « le testament d’Orphée » comprendront.

Deux écueils majeurs nuisent à l’intérêt de la réalisation et, partant, à la qualité du film:

le choix des interprètes et les approximations dans le tournage.

Les acteurs ne correspondent pas du tout aux personnages. Le couple malsain, à prétention mythologique du frère et de la sœur, vaguement incestueux, qui devraient normalement avoir autour de seize ans, sont presque trentenaires. Même en culottes courtes, ça provoque l’hilarité. Dermit, l’amant du jour imposé par Cocteau et Nicole Rotschild dite Stéphane, grâce à qui le tournage a pu avoir lieu dans un gigantesque hôtel particulier, ne sont pas de très bons interprètes, en dehors de ce décalage énorme qui existe entre ce qu’ils sont et ceux qu’ils sont sensés incarner, des adolescents. Il faut être un très bon acteur pour faire oublier l’apparence qu’on a.

A la limite Nicole Stéphane est moins pire dans le registre impavide et faussement expressif par moments. La scène où elle écoute une sérénade de son éphémère mari est révélatrice de cette gêne que son jeu peut engendrer.

Deuxièmement il y a cette approximation dans la réalisation. Je sais que Melville affectionnait le tournage en décors artificiels. Mais là ça ne va plus. Une bataille de boules de neige avec de la farine pour simuler la neige c’est ridicule même en noir et blanc.

De même lorsqu’il tourne un scène sensée se dérouler dans le midi et en été, et que les acteurs exhalent de la buée en parlant parce que le tournage a eu lieu en janvier, ça ne va pas non plus.

La tentative de traduire l’aspect littéraire de l’œuvre ne compense pas du tout ces maladresses, certainement évitables.

Un film àvoir uniquement pour l’intérêt historique.