Il n'y a jamais assez de cinéphilie dans un film. Et ça tombe bien, car dans une bonne moitié des Feuilles mortes, il ne se passe pas cinq minutes sans qu'une affiche de film-patrimoine apparaisse dans un coin, que ce soit Godard, Bresson, le vieil Hollywood, Visconti et j'en passe....
C'est d'autant plus agréable que ce film est vraiment fabriqué à l'ancienne : Kaurismaki reste fidèle à son refus du numérique, à son goût pour les applâts de couleur primaire (beaucoup de bleu et jaune, en référence à l'Ukraine), à ses plans statiques, etc... On retrouve son formidable instinct pour la photogénie, que ce soit l'actrice, que la lumière parvient à magnifier tout en évitant de l'idéaliser) ou l'acteur (un incroyable mélange de James Stewart et de Ryan Gosling, oui oui).
Pourquoi pas plus ? Car ce film est un Kaurismaki. Si vous connaissez son cinéma, vous ne serez pas surpris par l'aspect statique de personnages qui donnent l'impression d'être à deux doigts de se tirer une balle, des petites touches d'humour (sur l'alcool, sur l'équipe de foot finlandaise lors de la scène de coma...), sur la description du monde du travail particulièrement dangereux et usant... On va moins loin dans la critique sociale que Par-delà les nuages, ou dans le comique de situation que dans L'homme sans passé, ou dans l'esthétique que dans Le Havre.
Cela reste tout de même un cran au-dessus de la plupart des films, et on ne peut qu'être surpris, dans une production cinématographique dominée par les conglomérats Sony, Disney etc... que de tels petits bijoux artisanaux puissent encore voir le jour. Un peu comme ce que nous dit le film : il ne faut pas désespérer.
Vu aux montreurs d'images à Agen.
Synopsis.
Le Finlande de Kaurismaki. Ansa vit seule et travaille dans un supermarché. Holappa décape des objets métalliques. Il boit beaucoup. Ils se rencontrent lors d'une soirée karaoké avec leur ami.e respectif.ve, mais ça ne donne rien. Elle le revoit comater, fin saoul, dans un abribus. Ils finissent par se revoir quand le patron du restaurant où travaille Ansa (nouveau job) se fait arrêter le jour où elle allait être payée. Elle lui donne son numéro, mais il le perd par inadvertance. Ils se retrouvent et elle l'invite à dîner, mais comprend qu'il est alcoolique et le lui reproche. Fâché, il s'en va. Chacun fait sa vie de son côté : Ansa trouve un chien, Holappa se fait encore virer à cause de l'alcool. Il décide de devenir sobre et l'appelle. Heureuse, elle lui dit de venir. Il se fait renverser par un train en chemin et sombre dans le coma. Elle vient le voir. Il sort du coma. Ils partent en marchant vers l'horizon comme à la fin des temps modernes.