Très difficile à noter, ce film. Ce ne sont pourtant pas les éléments qui manquent pour noter ce film. Que ce soit sur le domaine technique, mais aussi sur le domaine philosophique, le film semble nous offrir une richesse incroyable. Cependant, à la vision de ce film, j'en suis venu à me demander si l'incroyable maîtrise technique ne venait pas se confronter avec une sorte de maladresse scénaristique, maladresse qui pousserait le film à se tromper sur son objectif même.
Je pense que la problématique la plus adéquate pour ce film est de savoir si ce film aurait pu être identique, dans sa narration, dans sa structure, si il avait été contextualisé différemment. Imaginons que ce ne soit pas un film d'anticipation, mais un film sur notre présent, à nous, les hommes. Est-ce que "Les Fils de l'homme" aurait été si différent ?


Omettons la problématique de l'infertilité, puisque de toutes façons, elle ne semble avoir absolument aucun enjeu. Et ce constat, qui peut sembler toutefois critique, n'est peut-être pas si faux que ça. A vrai dire, si on y réfléchit bien, le film nous présente le bébé comme un enjeu fondamental, comme une chose à protéger de manière absolue, parce que porteur d'espoir, parce qu'objet politique. Seulement, sur quel personnage le film s'achève-t-il ? Le bébé n'est pas un enjeu pour le monde qui nous est présenté, il l'est seulement pour le héros principal, Théo. Et c'est véritablement le point qui m'embête le plus. Est-ce l'histoire d'un monde chamboulé, ou l'histoire d'un personnage chamboulé dans un monde chamboulé ? C'est plutôt la seconde option qui prime, à mon égard. Et c'est en fait peut-être le plus grand problème du film, puisqu'en choisissant de se focaliser uniquement sur son héros, Cuaron a décidé d'ôter en partie la substance même du film. Il vient vider l'univers qu'il crée d'une partie de son sens. C'est peut-être tout à fait volontaire, mais en se centrant sur l'histoire de son personnage principal, le film omet de développer tout ce qui caractérise une dystopie. Si les choix de mise en scène ne souffrent d'aucun doute, venant sublimer les personnages, leurs relations, mais aussi en sublimant l'action, les choix narratifs me semblent plus délicats. Le monde, pensé comme dystopique, avec une esthétique presque Orwellienne, n'est que prétexte à rendre le personnage plus étoffé, à rendre son histoire plus douloureuse. Ce qui me fait penser ça, c'est véritablement la place qu'occupe le bébé dans le film. On nous répète que le bébé est un enjeu politique, presque un symbole d'espoir dans le monde ( ce qui viendrait presque remettre en cause l'idée même de dystopie, celle-ci se basant plus sur des espérances que des espoirs ) mais lorsqu'il naît, aucune perspective ne semble s'ouvrir. Une scène éphémère avec les soldats plus tard, le film s'achève, sans donner de véritable réponse. Le monde va-t-il changer ? Probablement pas.


Le film n'offre qu'une reflexion toute relative sur un éventuel futur. Si l'absence d'explications, les fins ouvertes peuvent être des procédés narratifs intéressants, ce choix ne me semble pas justifié dans un univers dystopique. Puisque ce qui en fait sa force, c'est justement de comprendre comment et pourquoi le monde est devenu ainsi. Je reproche au film d'être plutôt "Le Fils de l'Homme", Théo, que "Les Fils de l'Homme".


P.S : Mais autrement, le film est super cool à regarder hein !

Sizons
7
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le 18 sept. 2016

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Sizons

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