Échapper à soi-même dans la ville tentaculaire

Dès le premier plan qui filme en plongée un homme traversant en diagonale une place vide baignée de la pâle blancheur de la lune au milieu des ombres nocturnes et tranchantes de la ville, on sent qu'on est face à quelque chose de grand. Et la suite n'en démentira rien.


Classique du genre, ce film noir a de quoi faire parler les superlatifs. D'abord et avant tout, cet incroyable noir et blanc avec ses angles improbables, ces prises de vues époustouflantes, ses clairs-obscurs foudroyants. Ensuite, cette plongée dans le monde de la nuit avec ses personnages patibulaires formant une effrayante et fascinante faune peuplant la jungle sans pitié des bars, des cabarets, des contrebandiers et faiseurs de faux-papiers, des parieurs, etc. Puis ce protagoniste, incarné par un Richard Widmark toujours aussi bluffant (dans un rôle rappelant beaucoup celui tenu dans la femme aux cigarettes), toujours en sueur, car échappant constamment à quelqu'un et surtout à lui-même, poursuivi par la fatalité plus que par ses ennemis. Enfin, cette présence tentaculaire, cette emprise indémêlable de la ville, c'est-à-dire Londres, inscrite déjà dans le titre, là dès les premiers mots du narrateur externe et ce jusqu'à la dernière scène au bord de la Tamise, sur les docks, près d'un pont. Le tout dans un excellent scénario, adapté du roman éponyme de Gerald Kersh, grâce auquel le spectateur est tenu en haleine jusqu'à la fin.


Dassin nous avait déjà séduit dans The Naked City, où la peinture de la ville et de ses acteurs du quotidien excellait déjà ; néanmoins, jouissant ici de plus de liberté et s'étant libéré d'un producteur beaucoup trop invasif, il atteint un niveau de perfection bien plus élevé.


Du grand art.

Marlon_B
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 6 mai 2020

Critique lue 107 fois

Marlon_B

Écrit par

Critique lue 107 fois

D'autres avis sur Les Forbans de la nuit

Les Forbans de la nuit
guyness
9

Dassin la demie lune*

Le loser n'est pas forcément cet idiot qui ne comprend pas les enjeux et les conséquences des actes qu'il commet. Ce n'est pas non plus toujours ce malchanceux chronique sur qui la poisse s'acharne...

le 27 janv. 2013

46 j'aime

7

Les Forbans de la nuit
SanFelice
9

All my life I've been running

Le spectateur est plongé dans l'ambiance dès les premières images du film. On assiste alors à une course-poursuite, réalisée et montée d'une façon qui en montre toute la rapidité et la violence. Un...

le 9 déc. 2012

41 j'aime

9

Les Forbans de la nuit
Torpenn
9

C'est la lutte finale

1950, vu que l'Angleterre poursuit son protectionnisme en matière de cinéma, les studios hollywoodiens viennent quelques fois tourner chez eux histoire de rentabiliser l'investissement... Ce coup ci,...

le 21 févr. 2012

40 j'aime

11

Du même critique

Call Me by Your Name
Marlon_B
5

Statue grecque bipède

Reconnaissons d'abord le mérite de Luca Guadagnino qui réussit à créer une ambiance - ce qui n'est pas aussi aisé qu'il ne le paraît - faite de nonchalance estivale, de moiteur sensuelle des corps et...

le 17 janv. 2018

30 j'aime

1

Lady Bird
Marlon_B
5

Girly, cheesy mais indie

Comédie romantique de ciné indé, au ton décalé, assez girly, un peu cheesy, pour grands enfants plutôt que pour adultes, bien américaine, séduisante grâce à ses acteurs (Saoirse Ronan est très...

le 17 janv. 2018

26 j'aime

2

Vitalina Varela
Marlon_B
4

Expérimental

Pedro Costa soulève l'éternel débat artistique opposant les précurseurs de la forme pure, esthètes radicaux comme purent l'être à titre d'exemple Mallarmé en poésie, Mondrian en peinture, Schönberg...

le 25 mars 2020

11 j'aime

11