Depuis la fin des années 1970 Bela tarr concentre son travaille sur le réalisme socialiste, largement inspiré par le réalisateur américain John Cassavetes dans son utilisation du graveleux, du réalisme urbain, dans son désir de montrer une réalité contemporaine qui était absente des autres oeuvres de cette période. La sensibilité de Tarr se porte aussi bien sur des plans très serrés que sur des compositions abstraites ou de longues prises, dans les années 80 son style est passé du réalisme a une sorte de métaphysique plus ou moins proche D’Andrei Tarkovsky, sa photographie passe exclusivement en noir et blanc, et s’accompagne d’une mise en scène qui s’efforce a souligné la décadence et la dégénérescence.
Bela tarr a une vision très personnelle du cinéma, il accorde un rôle secondaire a l’histoire et cherche dans ses films a reproduire la réel dimension de la vie, aller au plus près de la vrai vie, ses histoires suivent la logique de la vie, il utilise le temps, la nature, la méta communication, qui sont tous des pas de l’information verbale pour suivre un processus psychologique réel, Il cherche a montrer sans interpréter. La principale différence avec Tarkovsky est son rapport a la religion, son cinéma est beaucoup plus innocent, Tarkovsky croyait en dieu et accordé toujours une place a l’espoir, son style de cinéma est plus doux, plus agréable.
Le travaille de Bela tarr sur l’acteur est également singulier, il utilise seulement la personnalité de l’acteur, se qu’il se passe a l’intérieur, il cherche a faire vivre l’acteur dans une scène, il leur demande de ne pas jouer mais juste d’être.
Les films de Bela Tarr sont donc des blocs de temps ou tous est devant les yeux du spectateur dans un langage très primitif, extrêmement sincère et poétique.

Les Harmonies Werckmeister son 7éme film prend place dans une Hongrie froide, perdue et austère. L’arrivée, dans un village indéterminé, d’un convoi forain seulement constitué d’une gigantesque baleine morte (perte du sacré) et d’un mystérieux Prince auquel la rumeur accorde d’inquiétants pouvoirs de destruction. L'arrivée se fait, dans un premier temps, dans l'indifférence et dans le silence. Mais peu à peu la fascination gagne du terrain. Quiconque se laisse séduire par la visite de l'animal en fait part à son voisin qui, à son tour, se laisse gagner. Alors qu'au départ, les comportements viraient à l'attentisme, au mutisme, à la passivité, à l'immobilisme et parfois à la méfiance, ils deviennent peu à peu vivants et grégaires comme s'ils remplissaient le cahier des charges, des premiers stigmates de la fièvre sociale. Valushka (il est sans doute le plus innocent mais il est aussi celui qui a le moins peur), postier au visage halluciné, vraisemblablement poète, sans doute simple d’esprit, essaie tant bien que mal, sans le moindre cynisme, de restituer au monde son harmonie céleste, celle-là même que son « oncle » musicologue Eszter, pour qui « tout est faux », avait pourtant dénoncée comme mensongère.
Donc l'élément déclencheur est l'arrivée d'une baleine empaillée en ville. Il ne faut pas bien longtemps pour saisir que l'énorme caisse occupée par la baleine apparaît comme l'élément central d'un culte et d'un cabinet de curiosité, pointant d'emblée l'envie commune d'être fascinée par l'animal. Le plus grand mammifère du monde ! La baleine est présentée comme un objet spectaculaire extraite de sa nature ! Arrachée à son environnement, l'animal perd son côté sacré. Elle devient visitable, accessible. Peu à peu la fascination gagne du terrain, le tissu social est plus hésitants, demandent, se renseignent, interrogent. Ils intègrent une certaine errance. Bref, ils cherche leur voie... et le poète, pas. le désoeuvrement engendrait la perte du sacré. Nous étions tranquilles. Nous étions paisibles. Puis sous pression. La rumeur qui bourdonne dans la ville. Chantage. Tumulte. Violence. Violence psychologique. Violence physique. Effet de groupe. Privation de libertés. Libertés qui se transforment. Gesticulation. La jeunesse sans repères. La désobéissance. L'absence de rapport de force. Le feu.Toujours le feu. La baleine dans sa caisse apparaît prostrée mais obsédante. Son oeil a un effet hypnotique et fort. Son corps, complètement improbable et inadapté sur terre, est tellement immense qu'une fois dans la caisse avec elle, le visiteur ne voit plus qu'elle. Elle sature la vision comme la conscience. C’est justement de folie meurtrière que se rendent coupable, pour des raisons qui nous échappent, ces hommes silencieux au visage fermé, empoisonnés par la baleine ? envoûtés par le Prince ? A l’image de cette séquence ou tous marchent à l’unisson sans un mot comme des robots ,télécommandé , hypnotisé, lobotomisé, manipulé.
Sans prononcer le moindre mot, sans pousser le moindre cri, dans un silence seulement rompu par les heurts et les coups, saccagent un hôpital et massacrent méthodiquement ses pensionnaires tandis que La chorégraphie de Tarr et sa caméra assiste, hébétée, affligée, à l’inexplicable massacre, cette nuit fantastique. Seul, un vieillard trouvé debout, nu dans sa baignoire, nimbé de lumière, décharné, image des camps de la mort nazis, sera épargné, redonnant une conscience à ces hommes, mettant soudain un terme au pillage. Les zombies repartent alors lentement, titubant, coupables. Traumatisé, le poète n’est désormais plus capable de transcendance. Pourchassé par le groupuscule de sa tante, terrassé par la mort de ses proches, il a peur désormais, il court le long des rails sans pouvoir rattraper la caméra fuyante car de colère l’œil divin se retire ; il est finalement tenu en respect par un hélicoptère, un monstre technologique froid comme l’acier, reflet apoétique de la baleine, Valushka s’enferme dans une solitude absolue, reclus dans son monde intérieur, et baragouine quelque vague comptine, sourd aux paroles défaitistes d’Eszter, qui conclut ainsi : « Rien n’a plus d’importance ».

Tout, avec Béla Tarr, acquiert une dimension sacrée, au sens le plus primitif du terme. Animés par une caméra mobile et contemplative, parfois stoïque, qui permet au plan et aux acteurs de prendre corps, de s’inscrire, de se déployer dans un espace-temps sensuel, sensitif, susceptible d’altérer notre perception du Réel. La caméra de Béla Tarr n’enferme pas le Réel, elle s’y glisse, épousant un point de vue divin, profondément humain. la réalité la plus flagrante du film est cette volonté de prendre la nature pour ce qu'elle est, avec ses espaces, avec son temps. le réalisateur n’offrira aux spectateurs que 39 plans-séquences pour une durée totale de 145 minutes. Du fait de leur longueur, la mise en scène se doit d’être minutieusement calculée : le réalisateur mène sa caméra et ses acteurs de manière synchrone afin de composer et obtenir les plans qu’il souhaite. On suit le flot et on se noie dans ses prise…
zarkasein
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le 16 janv. 2014

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zarkasein

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