Attendu après son road trip festivalier (Cannes, Angoulême ou encore Annecy), Les Hirondelles de Kaboul promettait une histoire poétique et visuellement prenante. Après 81 minutes de claques visuelles et idéologiques, l’adaptation du roman éponyme de Yasmina Khadra ne déçoit pas.
Occupée par les talibans, Kaboul est en 1998 une ville en ruines où vivent deux couples. Mohsen (Swann Arlaud) et Zunaira (Zita Hanrot) sont jeunes, lui est professeur elle artiste. Tous deux rêvent de liberté tandis que Mussarat (Hiam Abbass) et Atiq (Simon Abkarian) se morfondent dans un système qui les use à petit feu, par la maladie ou la cruauté. Le destin des deux couples va changer lorsque Moshen réalise un geste insensé.
Loin des habitudes du cinéma d’animation, le processus de création du long-métrage peut être considéré comme atypique. La recherche des maîtres d’œuvres, par le studio de production Les Armateurs, s’est déroulée en deux étapes. La première en choisissant Zabou Breitman comme réalisatrice, la seconde en effectuant un appel d’offres auprès d’artistes pour trouver la perle rare qui donnera une plus-value au film. C’est finalement Eléa Gobbe-Mévelec qui marquera les esprits avec son style particulier, l’aquarelle.
Le duo formé, il faut maintenant savoir comment réaliser le film. La réalisatrice Zabou Breitman mise alors sur une animation hyperréaliste, les acteurs ne se sont pas contentés de doubler leurs personnages, ils les ont joués. Filmé puis retranscrit sur papier ou ordinateur pour redessiner les scènes et les coloriser, le travail fut fastidieux à raison de deux secondes d’animation par jour. Le rendu, quant à lui, est renversant. Les mouvements et le jeu des acteurs transpirent de réalisme, ajoutons à cela une patte artistique entre le simplisme des détails et la richesse des couleurs de l’aquarelle, ainsi qu’un doublage de très grande qualité et Les Hirondelles de Kaboul devient une œuvre d’une rare beauté.
Pour en revenir aux acteurs, même si le film bénéficie de la présence de Zita Hanrot qui commence doucement à s’imposer dans le cinéma français en étant récemment la tête d'affiche de La Vie Scolaire, c’est finalement la prestation de Simon Abkarian qui crève l’écran. Par son ton grave et calme, le personnage d’Atiq est le véritable protagoniste de cette histoire où la génération précédente a perdu espoir.
Le long-métrage évoque alors différentes thématiques le long de son récit intense, poétique et pourtant choquant. La place de la femme, l’éducation, mais aussi la sédentarisation des peuples opprimés par l’extrémisme islamiste sont traitées avec une froideur décuplée par la douceur de l’image. Un contraste saisissant plus efficace qu’un film inutilement gore.
La place de l’art comme moyen de s’échapper et de garder espoir dans cet enfer est traitée intelligemment, au point que le film bascule dans la représentation abstraite à certains moments clés. Comme un retour à la réalité et aux vraies valeurs d’une vie, la mort, la captivité ou encore la destruction n’ont rien à faire dans une culture afghane aussi riche.
Évoquant le passé avec une nostalgie bien présente, Nazisch, interprété par Jean-Claude Deret, représente quant à lui l’immobilisme et l’attitude sécuritaire des afghans dans cette occupation empoisonnant ses habitants. Le personnage n’existe alors que dans l’imagination d’Atiq, il est le symbole des doutes et des questionnements qui l'habitent.
Les Hirondelles de Kaboul marque le spectateur qui en ressort finalement grandit de cette expérience. La compréhension d’un monde qui paraît si loin, dans l’espace mais surtout dans le temps, n’est pas facile pourtant le film arrive à impliquer le spectateur dans ces scènes de vie si absurdes et cruelles. Accompagnée d’une musique impeccable, l’œuvre du duo Breitman Gobbe-Mévelec se savoure tout en étant écœurant. Le cinéma d’animation français confirme qu’il reste l’un des meilleurs au monde.