Damien ? - Je - Damien ? - vais - Damien ? - bien !


La représentation des troubles et maladies mentales est un exercice difficile, entre présentation de symptômes génériques pour des symptômes souvent différents selon les individus, et clichés à éviter.


Dans Les Intranquilles nous entrons chez Leïla, Damien et leur fils au sein d’un foyer sans soucis, vivant dans un décor du Sud de la France, entre baignades dans les criques et lumière d’été. Damien est peintre, passionné dans son art comme dans sa vie, rien ne semble indiquer que la maladie pourrait être là. Les premiers indices sont dans les regards de Leïla, parfois brièvement inquiets, parfois perdu par le tourbillon d’énergie et de joie que créé Damien pour elle et leur enfant.


En nous faisant rencontrer ce trio sans jamais mentionner la maladie, les crises, les médicaments ni la thérapie, le film peut sembler un peu long à démarrer, mais petit à petit l’homme remplit d’une énergie qui amuse femme et enfant, finit par déborder d’un vif qui semble dangereusement inépuisable.


Où s’arrête la joie de vivre et où commence la crise ? Damien repousse les frontières en prônant (se cachant derrière) la pensée louable de ne jamais avoir honte de soi. Mais la crise est au coin de la rue, et quand elle frappe c’est une scène terrible : le tourbillon devient trou noir qui aspire de plus en plus vite tout ce qui passe à sa portée, jusqu’à l’identité de sa femme (scène terrible de Leïla Bekhti qui réalise subitement qu’elle n’existe plus que pour Damien) avant de s’éteindre brutalement, consumé par sa propre énergie.


Comme Leïla, le regard bienveillant du spectateur se meut en regard suspicieux : Damien prend-il son traitement ? Est-il sur le point de faire une nouvelle crise ? Peut-il vraiment s’occuper de son fils ? Et le spectateur plonge avec elle dans sa détresse et son angoisse : protéger son fils, d’abord, réussir à exister pour elle-même, ensuite.


Les Intranquilles ressemble à un négatif de pellicule photographique où paradoxalement plus la joie de vivre de Damien augmente, plus il en devient anxiogène pour le spectateur ; et à l’inverse ses phases de down sont des moments de respiration, où l’inquiétude peut se dissiper - du moins pour un temps.
Le film ne réussit pas l’exploit de l’incroyable Anthony Hopkins dans The Father qui nous mettait dans la tête même de celui qui souffre, pour plutôt nous plonger dans celles de ceux qui accompagne les bipolaires : facile est la tentation de profiter des périodes de up pour vivre à 100 à l’heure… mais plus dure sera la chute.


Un portrait de la bipolarité dont on ressort infiniment triste, et qui à le mérite de montrer ce qu’on voit trop peu au cinéma : la détresse de celles qui aiment ceux qui ne peuvent promettre de guérir un jour.

Sams4m
7
Écrit par

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le 26 oct. 2021

Critique lue 112 fois

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Sams4m

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