On le voit venir à des kilomètres, le feel-good movie sur des femmes qui reprennent foi en elles-mêmes grâce à des montages sur fond de musique énergisante. Évidemment, c'est complètement ça ; mais pour que ce soit réussi, le film se dote de certaines qualités indispensables : il n'omet pas de s'attarder sur l'échec et la souffrance, ne résout jamais ses problématiques trop facilement, et s'interdit toute situation trop "cinématographique". Bref, il poursuit, et atteint avec brio, la justesse quasi-absolue et permanente.
Là où le film tire son épingle du jeu, c'est dans l'utilisation d'un casting d'actrices non professionnelles qui volent carrément la vedette à Audrey Lamy, tant ses scènes semblent "jouées" par contraste. Adolpha Van Meerhaeghe, en particulier, est hilarante et attendrissante dans son honnêteté et sa simplicité ; c'est la vraie fausse actrice qui porte le film. Ces femmes en général réussissent largement le pari de nous faire comprendre, sans jamais l'expliciter, la difficulté - essentiellement psychologique - de se confronter à la société et à ses règles après en avoir été mises à l'écart parfois durablement. Un malaise qui est mis en image les - malheureusement trop rares - fois où ces femmes sortent de leur refuge, et où on les retrouve tassées, perdues dans le cadre, invisibles dans la rue ou dans un camp de fortune. À l'inverse, un soin tout particulier a été donné au décor du centre, qui est le véritable coeur du film, tout à la fois abîmé comme le vieil entrepôt désaffecté qu'il est, mais chaleureux, il sera filmé sous toutes les coutures et sera souvent le reflet de l'état intérieur de ses occupantes ; qu'elles soient derrière les grilles de la douche ou dans l'immense espace commun rempli à ras-bord d'humanité grouillante. Enfin, la justesse est atteinte dans la mise en scène résolument anti-climactique des moments émouvants les plus classiques : demandes en mariage ou crises de larmes désespérées seront autant de scènes banales de la vie quotidienne, loin des poncifs de comédies romantiques ou de grands drames modernes. Ce sera peut-être malgré tout ce qui manquera au film, car dans toute cette volonté de ne pas en faire trop, de se focaliser sur l'humanité de ces femmes avant leur drame personnel, on oublie peut-être de donner la juste valeur à ce que leurs histoires ont de tragique.
Le film ne réussit pas tout ; la bourgeoise en instance de divorce campée par Noémie Lvovsky, bien qu'attachante - parce que Noémie Lvovsky -, est un gros cliché ambulant, qui reste heureusement un personnage assez secondaire. Julie, la SDF qui ne veut pas s'en sortir, n'aura jamais le traitement qu'elle aurait mérité, et la volonté de l'auteur d'en faire la caution "tout n'est pas toujours rose" du film le fait sombrer dans la leçon de morale un peu manichéenne. Finalement le film, se focalisant trop sur le positif, échouera à donner à son sujet l'écho dramatique et donc l'importance qu'il mérite. Néanmoins, je pense que le cinéma français peut être fier de produire ce genre de films, touchant, réaliste, parfois grinçant mais résolument humain, c'est un ton difficile à trouver et ce n'est pas le premier film qui y parvient ces dernières années.