Le premier long-métrage de Romain Laguna est pour moi une oeuvre exceptionnelle. Elle n'est, ceci dit, pas du tout aisée à cerner et je pense que c'est moins le cas en rédigeant une critique censée. Nina est une jeune femme très libre. Elle s'autosuffit, va en fonction de ses réactions amoureuses, et fait ce que bon lui semble. Et à première vue, elle n'a besoin de rien, ou presque, et dans tous les cas, elle ne réclame rien. Un beau jour, alors qu'elle s'accroupie dans l'herbe pour uriner, elle aperçoit une météorite qui s'écrase comme un cataclisme. Surprise, même si dans l'absolu elle ne semble pas l'être pas tant que cela, elle fait part de son expérience à certains de ses proches avant qu'elle ne se rendre rapidement compte que ce qu'elle vient de connaître, et la façon dont elle le réalise, n'a pas été nécessairement ni partagé par tout le monde, ni considéré par les autres comme elle le considère elle-même. Cette turbulence sismique n'a réellement pas apporté les changements à la hauteur de l'évènement, et les choses se déroulent globalement à peu près pareil et presque comme si de rien n'était. Le temps passe, elle fait des rencontres, elle s'amuse, elle continue de s'épanouïr. Elle est d'autant plus réactive aux aléas de la vie et fait souvent face à la réalité des autres et surtout de celles et ceux qui comptent le plus pour elle. C'est sur cet aspect que le film a de la force. Cette notion subjective, au centre de toute l'attention de la caméra, est selon moi remarquablement bien menée, et à ma connaissance il est rare de trouver un(e) cinéaste aussi doué(e) en la matière. Cet aspect se retrouve beaucoup dans les réactions que connaît Nina selon certaines situations de tous les jours puisque la caméra s'intéresse beaucoup à ce qu'elle vient de connaître comme évènement et la façon dont elle réalise comment font les autres. Elle va comprendre que ce qui peut l'atteindre à elle, n'est pas toujours nécessairement le cas de tout le monde pour un évènement qui est pourtant commun. Cela veut dire que cela ne fait pas d'elle quelqu'un de différent ni-même de plus différent, mais que la notion subjective et la notion objective sont deux notions ressemblantes qui convergent et intéragissent ensemble, mais qui se confondent pas. Nina va estimer, au fur et à mesure du scénario, que ceci est un trait marquant dans la vie qu'elle mène, et qu'à partir de là, les choses du passé sont passées, et que les choses à venir sont de son propre avenir. Cela fait d'elle également quelqu'un qui est censé être maître de soi et donc de son propre avenir. Étant donné que l'expérience qu'elle vient de vivre n'est pas globalement partagée, ou tout simplement qu'elle n'a pas été perçue de la même façon, cela fait de cet évènement quelque-chose d'objectif mais l'expérience qu'elle en vit devient donc quelque-chose de subjectif. C'est sur cet aspect - subjectif - que Nina prend appui pour prendre un point de repère dans la vie qu'elle mêne jusque-là, et que certaines choses sont déjà révolues pour elle. Esthétiquement très beau, très agréable à contempler, aussi bien de la part du jeu des personnages et leurs dialogues, décors, détails, qu'à entendre avec les accents, les bruitages, ce film met en scène d'excellent(e)s acteurs et actrices (Zéa Duprez en tête) pour lesquels vont se cotoyer de la récolte de vigne à un parc d'attraction jurrassique (plus ou moins oniriquement en raison des "boules" de raisin et des dinosaures), alors que même sur elle on peut souvent distinguer certaines distinctions et notamment avec les bijoux qu'elle porte (souvent par deux, un étant plus gros que l'autre, l'autre étant plus petit que l'autre). Une réflexion pourrait être éventuellement abordée avec ce titre, et pas sur un sujet des moindres. Partant du principe que cette chute de météorite écrasée sur Terre est un évènement d'ordre chaotique (aléatoire comme c'est le cas dans la reproduction humaine... et le fait qu'elle se décide à procéder un test de grossesse), comment déterminer alors qu'elle est en train de vivre là un évènement si surnaturel dans l'évolution de la vie qu'elle mène, alors que la planète n'a - objectivement, donc - pas modifié d'elle-même ni son sens de trajectoire ni sa cadance de rotation... si l'on part du principe scientifiquement parlant qu'elle se situe dans un système solaire qui lui, par contre, est métrique en plus d'être ordonné ?


yoliviers
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le 26 juil. 2022

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