Petite commune dans les environs d'Aix-en-Provence, Les Milles eut le privilège d'abriter un camp dans une briqueterie désaffectée. Le camp fut utilisé avant et pendant l'Occupation pour y interner diverses personnes. Il y eut plusieurs périodes distinctes. De 1939 à 1940, l'Etat français y interna des "sujets ennemis" à savoir principalement des réfugiés allemands fuyant le nazisme (comme Max Ernst, par exemple). Le camp est alors sous commandement militaire. C'est cette période qui est décrite dans le film de Grall.
Après la défaite française en 40, le camp dépendra de la Sûreté (Ministère de l'Intérieur) et y internera des gens "indésirables" avant de devenir carrément une antichambre de la déportation de juifs.
Le film est intéressant car offre le témoignage d'un épisode peu connu où le commandant du camp, ancien de la guerre de 14-18, finit par prendre conscience que les gens internés, majoritairement des allemands, artistes, intellectuels ou savants, juifs pour certains, réfugiés en France depuis plusieurs années, risquent tout bonnement d'être livrés aux nazis à leur arrivée imminente comme gage de bonne volonté. Dès lors, à son initiative, il organise leur évacuation en train vers le port de Bayonne où attend un bateau. L'opération, hors de tout contrôle officiel, ne s'avérera pas si simple mais permettra globalement d'en sauver un grand nombre.
Ce qui est intéressant et bien rendu par le film, c'est l'état de désorganisation du pays et de démotivation de l'armée dans un climat de défaite. Surtout lorsqu'il s'agit d'officiers supérieurs à qui l'on confie un rôle de garde-chiourme.
C'est le cas du commandant du camp remarquablement interprété par Jean-Pierre Marielle qui d'une position rigide et droite dans ses bottes finit par s'humaniser lentement jusqu'à organiser l'évacuation du camp à l'insu de sa hiérarchie en utilisant un réseau de relations ou d'amis. Dans le bordel ambiant, le toujours truculent Jean-Pierre Marielle excelle dans son numéro d'équilibriste. Mais la distribution réserve d'autres (bonnes) surprises avec Noiret dans le rôle d'un général qui sait tout (ce qui est normal dans sa position), parle haut et fort pour dire "démerdez-vous, c'est votre boulot, mon vieux", François Perrot en colonel, plus doué aux jeux de fléchettes dans son bureau que pour prendre une décision. François Berléand dans le rôle d'un lieutenant, prof d'allemand au civil et ici interprète entre les internés et la hiérarchie du camp, Ticky Holgado dans le rôle d'un capitaine, subordonné à Jean-Pierre Marielle.
Notons aussi la participation de Kristin Scott Thomas dans le rôle d'une journaliste américaine qui s'intéresse beaucoup à ce camp et surtout au devenir des sommités malencontreusement internées. Elle va tenter de convaincre JP Marielle de l'urgence et des risques de la situation.
Au final, c'est un film honnête, non exempt d'un petit humour qui va bien, qui relate une histoire peu connue. L'interprétation par Jean-Pierre Marielle sonne juste dans ce rôle d'un militaire, affaibli physiquement, étriqué et rigide par de nombreuses années de soumission à une hiérarchie militaire mais qui reste capable d'initiative à ses risques et périls quand il découvre l'ignominie qui se prépare.