Monts et merveilles se trouvent loin de Montfermeil

J'ai grandi en banlieue, tu peux lire la routine, l'amertume à travers la rétine de mes yeux.

Montfermeil étant une ville voisine à la mienne, le simple fait que le film se déroule là bas me donnait envie de le voir, les supers retours étaient encore plus encourageants, mais je gardais un doute en moi. La banlieue est un sujet souvent traité par le cinéma français mais il est parfois maltraité, je donnerai pas d'exemples par respect mais je trouve que l'on peut vite basculer dans les clichés de racailles qui font perdre toute crédibilité au film.

Heureusement ici nous avons affaire à de la qualité, Les misérables pourraient facilement être le digne héritier de La haine de Kassovitz, avec une approche plus moderne évidemment, il s'est écoulé une vingtaine d'années entre les deux films mais la violence reste la même. La violence est omniprésente pendant tout le film elle ne fait qu'augmenter, tout comme la tension qui atteint son paroxysme à la fin...
Les misérables est excellent pour ça, aucune baisse de tension, elle ne fait que s'intensifier et les scènes d'interpellations sont d'un réalisme troublant. Le montage et la réalisation sont excellents au moment de la scène sur le terrain de foot, c'est clairement la meilleure scène du film pour moi jusqu'à son déroulement tragique.

Ce qui fait que Les misérables fonctionne et parvient à toucher c'est son réalisme. À aucun moment je me suis dit que le film trichait ou prenait le spectateur pour un idiot. Les dialogues, les acteurs, la cité des Bosquets en décor et surtout la misère humaine, tout cela transpire l'authenticité, je pouvais même sentir la bonne odeur du grec fraîchement découpé.
Le film nous place face à un constat alarmant en fin de compte, c'est qu'il n'y a aucun gentil ou méchant, les flics sont aussi pourris que les délinquants et en même temps ils n'ont pas le choix, c'est la loi du talion qui prime, chacun doit se faire respecter car dans cet univers cruel personne ne fait de cadeau. La solidarité entre jeunes du même quartier est la seule chose qui s'applique ici, cela fait évidemment écho à cette sombre année 2005 où les banlieues se sont déchaînées après la bavure policière "Zied et Bouna". C'est même évoqué brièvement pour constater que cela n'a servi à rien, que la situation est pareille voir pire qu'avant.

Ce film est profondément humain, ici on voit les erreurs et la bêtise humaine, la cruauté également que ce soit envers les animaux ou envers l'homme, rien n'est épargné.
Je suis sorti chamboulé du film, la scène finale est vraiment géniale et impossible de ne pas penser à La haine à ce moment là. Il y'a également un côté Training day avec ce flic qui fait son premier jour à Montfermeil, miskine. Il découvre ce monde sordide où la loi s'applique selon les envies...
Bref, c'est vraiment un film à voir qui agit comme un électrochoc pour peu qu'on soit un peu touché par le sujet. La phrase de Victor Hugo qui clôt Les misérables m'a donné des frissons et c'est d'autant plus triste de constater que rien n'a changé. Les misérables restera intemporel.

"Regarde ma Terre en pleurs, mais les choses ici prennent une telle ampleur
Les fils partent avant les pères, y a trop de mères en sueur
Quand les fusils de la bêtise chantent le même air en cœur
Le mangeur d’âme à chaque repas s’abreuve de nos rancœurs
Je l’entends toutes les nuits, las des fantômes qui la hantent
Las de leurs complaintes, tellement que des fois elle en tremble
Par le sang de la haine, constamment ensemencée, au pas cadencé
Quand ce dernier chasse le vent hors des plaines
Rien n’a changé depuis "Où je vis"
Juifs, catholiques, musulmans, noirs ou blancs, fermez vos gueules, vous faites bien trop de bruit..."