Dès l’ouverture, on comprend que ce deuxième volet se jouera au rythme d’une musique obsédante. La musique devient actrice du récit. À l’enterrement, les porteurs du cercueil filmés à hauteur de jambes semblent danser, et la musique qui les guide n’a rien d’un requiem, c’est une marche de vie, une célébration paradoxale où la mort elle-même se met à battre le tempo.
Le film s’ouvre sur une scène lente, presque cérémonielle. Cal Asby prépare sa mort. Avec une minutie de prêtre funéraire, il remplit un sac de billets, va le déposer dans son cercueil, et s’assoit, comme s’il attendait l’inéluctable. Comme chez les anciens Égyptiens, il emporte son trésor dans la tombe mais le cercueil n’est pas un lieu de conservation mais de transformation. L’argent sale y est enseveli pour renaître pur, destiné à bâtir un centre de soins pour Harlem.
Le cercueil devient le réceptacle d’une promesse de vie. Les billets issus des paris illégaux sortent « lavés » de la tombe.
Au milieu de ce rituel, le chef de la Police incarne une autorité ambiguë. C’est lui qui déclare qu’Asby pouvait être toléré, puisque son argent ne venait ni de la drogue ni de la prostitution.
Si Asby incarne l’utopie sacrifiée, son associé Kelly en est l’exact opposé. Il trahit tout le monde! Son opportunisme absolu le transforme en figure de la trahison totale, interne et externe. Kelly incarne l’impossibilité de la loyauté dans un univers où l’argent est la seule valeur stable.
Dans ce monde miné par la corruption et la trahison, Shaft apparaît comme celui qui doit accomplir le testament d’Asby. Mais à la différence du premier film, il n’est plus un détective ironique, blessé mais une machine de guerre. Invincible, jamais atteint par les balles, il massacre sans pitié tous ceux qui font obstacle afin de nettoyer l’argent sale par le sang des mafieux.
Au fond, Les nouveaux exploits de Shaft est moins un polar qu’une cérémonie funéraire filmée. Tout y renvoie à la mort, les cercueils, les enterrements, la musique lancinante qui accompagne les vivants comme les morts. La vie ne renaît qu’à travers le sang et la destruction.
Shaft devient l’exécuteur d’un testament politique, porteur d’une mission funéraire qui purifie par la mort où l'utopie ne peut exister qu’au prix d’un carnage.