Ça aurait pu être beaucoup mieux, ça aurait pu être bien pire

Dans le paysage cinématographique actuel Les Nouveaux Mutants avait un potentiel énorme. De quoi donner des leçons au MCU. Enfin permettre de décliner le thème des super-héros dans d’autre genre. Et le genre de l’horreur avait tout pour me plaire. L’intérêt était donc présent chez moi, puis l’univers a décidé de faire tout son possible pour empêcher le film de sortir. Concurrence, rachat des studios, pandémie mondiale… Je ne sais pas si quelque chose lui a été épargné. Et enfin le film est là. Résultat ? On va voir.


Donc regardons un peu le scénario. Autant dire qu’on commence par le plus gros point noir. Alors le problème n’est pas dans ce qu’il fait (pas d’incohérence ou d’absurdité en vue) mais plus dans ce qu’il ne fait pas. Le film a un début, une fin et entre les deux, pas vraiment grand-chose. Dès le début les personnages ont conscience que l’hôpital est une prison, mais il leur faut attendre une heure de film (sur une heure et demi) avant qu’ils ne prennent la décision de s’enfuir (et encore, uniquement parce que rester équivaut à mourir probablement). Pareil sur cet hôpital. Dès le début il parait étrange et mystérieux et à la fin… ben il était réellement étrange et mystérieux. Cette absence quasi-totale de mystère filé le long du film en est le principal problème. L’hôpital qui ressemble à une prison est réellement une prison, le docteur suspect qui semble travailler pour une organisation maléfique travaille effectivement pour un équivalent X-men d’Umbrella et les personnages qui avoir un passé dramatique ont effectivement tous un passé dramatique. Alors attention ce qu’on a est bien fichu, le problème vient surtout du fait que nous n’en ayons pas assez. On aurait pu également se passer du climax de fin, qui donne surtout l’impression d’être là parce qu’il fallait finir sur une grosse scène d’action donnant à tous les personnages l’occasion d’utiliser leurs pouvoirs.


Donc un scénario basique et globalement vide c’est un problème ? Selon moi pas complètement si on a des bons personnages. Et là-dessus le film est beaucoup plus solide.


A tout seigneur tout honneur commençons par le personnage principal. Danie (oui je sais qu’elle s’appelle Danielle mais je ne sais même pas si elle est appelée comme ça à un seul moment du film) n’est pas un personnage inintéressant, mais son développement à un vague arrière-gout de déjà vu, mais cela rejoint le problème du scénario que j’ai déjà présenté. En tant que personnage elle est plutôt bien écrite. Elle évite habilement la plus part des écueils dans lesquels elle aurait pu tomber. En soit elle est équilibrée, ni absurdement docile ni ridiculement rebelle, s’ouvre correctement aux autres et n’agit pas comme si elle était la seule personne au monde à avoir un passé tragique. Bref j’apprécie le résultat.
L’actrice fait le travail correctement et a suffisamment de charisme pour ne pas se faire écraser par les autres (et quand on voit le reste du casting c’est déjà un accomplissement).
Pour le reste des personnages, c’est globalement du bon. Là encore pas d’enthousiasme excessif, aucun n’est éblouissant mais tous sont au moins bien écrits (et interprétés).
Commençons par le docteur Reyes. Comme je l’ai dit elle est suspecte dès le début, et ne fait rien pour atténuer ça. Mais ses dialogues suffisent à expliquer sa psychologie et ses motivations et l’actrice a suffisamment de présence pour l’incarner solidement. Alors oui sa relation avec ses « patients » aurait pu (dû ?) être plus ambigüe mais bon, vu le scénario qu’elle sert le travail est fait et bien fait.
Niveau personnage le meilleur travail concerne les autres adolescents.
Parmi eux, Illyana est la plus mise en avant, et paradoxalement la moins détaillée. La plus mise en avant car elle est probablement (je ne me suis pas amusé à chronométrer) celle qui a le plus de temps d’écran et de répliques et la plus distinguée dès le début. Et pourtant la moins détaillée. Deux aspects à ce niveau-là. Déjà son pouvoir. Ou ses pouvoirs. Enfin ce n’est pas clair. Elle semble en avoir deux (peut-être trois) mais aucun n’est réellement expliqué en soit. Deuxièmement son passé. Là encore c’est curieux, puisqu’on nous montre bien son traumatisme d’enfant, mais à la différence des autres on ne parvient pas à distinguer ce qui tient du souvenir et se qui tient du cauchemar. Et à part ça on ne sait rien de son histoire.


On peut comprendre qu’elle a été victime de trafic d’êtres humains mais nous avons trop peu d’information pour comprendre ce que ça implique réellement.


Indépendamment de cet aspect Illyana est correctement utilisé. Dès le début elle affiche un coté insupportable et tête-à-claques qui aurait pu la rendre réellement antipathique (et elle l’est) mais immédiatement son rapport à sa peluche suffit à l’humaniser rapidement. Et son développement ira dans ce sens.


J’aime d’ailleurs beaucoup la scène où Dani lui ramène sa peluche. Elle suffit à présenter les personnages comme raisonnables et matures malgré leur animosité.


Bref là encore un bon potentiel, correctement traité quoique de façon incomplète (vous commencez à voir une récurrence dans mon propos).
Au passage Anya Taylor-Joy fait un excellent travail. Oui elle surjoue l’aspect antipathique du personnage, mais étant donné que cette antipathie est un rôle que joue le personnage cela ne fait que le renforcer. D’ailleurs lorsque qu’Illyana devient plus sincère, le jeu de Taylor-Joy devient beaucoup plus naturel.
Et pour en terminer avec les personnages féminins (et aussi parce que je continue à essayer de traiter les personnages par ordre d’importance dans le scénario), parlons maintenant de Rahne.
Par bien des aspects elle est construite en opposition avec Illyana. Cette dernière est immédiatement désagréable et antipathique, présentée comme une rebelle à la limite de l’autodestructrice et qui rejette Dani ? Rahne apparait comme sympathique, aimable et accueillante, avec visiblement une vraie volonté d’aller mieux. L’histoire et les pouvoirs d’Illyana sont mal définis ? Ceux de Rahne sont clairs (et plus simples aussi il faut l’avouer).
Alors entendons nous bien, cette construction en opposition ne dure qu’un temps, car les personnages n’évoluent pas en miroir (entendez par là que Rahne ne devient pas froide et agressive tandis qu’Illyana s’humanise). Non l’évolution de Rahne est similaire a celle des autres (lutter contre ses peurs, surmonter ses traumatismes…) mais dans son cas évite magistralement deux écueils majeurs. Le premier est le rapport à la religion. Vu le personnage et son histoire il aurait été facile de faire de la religion un symbole de rejet et d’intolérance. Ici le film fait le choix, le plus pertinent à mon sens, de faire de la religion certes à la fois une des sources des souffrances du personnage, mais aussi une source de réconfort. Donc le film, en restant toutefois suffisamment superficiel pour ne pas se mouiller, parvient à traiter d’un sujet facilement polémique et glissant.
Et pour le deuxième point, même si ça n’a pas d’impact majeur sur l’intrigue et que c’est rapidement évident, je me sens obligé de mettre une balise.


Le film nous fait le plaisir de ne pas réduire Rahne à l’intérêt amoureux de Dani. Je veux dire oui, elles sont traitées comme un couple à partir d’un certain stade du film et ont un comportement cohérent avec ça, mais elles continuent à être deux personnages distincts dans une histoire, avec chacune leur personnalité et leurs arcs narratifs propres. A ce sujet là mention spéciale à la scène de l’infirmerie qui équilibre parfaitement l’histoire d’amour et l’intrigue principale.Et d’ailleurs puisque je suis sur ce sujet, j’aime bien leur histoire (et j’en suis le premier surpris parce que d’habitude je suis assez exigeant dans ce domaine). C’est une histoire simple et spontanée, le fait que les personnages soient adolescentes pardonne certaines lourdeurs et comme je l’ai dit, le fait que les personnages soient ensemble ne parasite ni leurs caractères ni l’histoire.


Et pour finir avec Rahne, un petit mot sur son actrice. Alors elle s’en sort parfaitement, en même temps est-ce une surprise ? Non juste pour savoir : donner le rôle du personnage capable de se transformer en loup à Maisie Williams… c’est une simple coïncidence de casting ou une blague de réalisateur alcoolique. Enfin quelque soit la réponse c’est un excellent choix, et peut-être la meilleure interprétation du film (en tout cas d’après mon avis).
Si on essaie de continuer à suivre ma logique tordue et subjective de traiter les personnages par leur ordre d’importance dans l’intrigue, il nous faut maintenant parler Sam. Et c’est là que le travail de passage en revue des personnages atteint sa limite. Parce que bon comme les autres : mutation, épisode traumatisant dans le passés, séquelles psychologiques… Alors attention là je donne l’impression de m’en plaindre, mais ce n’est pas le cas. Parce que même si sa construction est similaire à celle des autres, sa représentation diffère. Dans son cas nous avons droit à un personnage littéralement et explicitement autodestructeur. C’est donc intéressant de voir comment une même construction nous offre plusieurs personnages distincts. Pour le reste encore une fois, excellent travail d’acteur couplé à une très faible prise de risqueau moment du casting.
Terminons avec Roberto, qui au premier abord peut donner l’impression d’être le moins intéressant des personnages. Ce qui n’est pas entièrement vrai. Oui il suit un peu le même modèle que les autres, mais comme les autres le résultat diffère. Dans son cas on a une masculinité toxique aussi affiché que ses jambes sont écartées lors de sa première apparition. Alors personnages antipathique ? Ben non puisque sa deuxième véritable scène le montre avoir une discussion amicale et même bienveillante avec Sam. Pourtant si j’en crois mon guide des petits clichés ils ne devraient pas s’apprécier les deux. Signe de personnages qui dépasse l’écriture automatique de scénaristes hollywoodiens ? A chacun de se faire son idée, moi j’ai la mienne.
Et c’est là-dessus que je vais terminer avec les personnages. Déjà parce que j’ai fini (je ne vais pas m’arrêter sur les quelques instant du père de Dani et l’apparition d’un curé mort) mais aussi parce que ça résume bien ce que je pense des personnages. Ils sont tous bien écrits, bien interprétés et avec des interactions généralement agréable à voir. Même les conflits ne font pas forcés ni exagérés. Les auteurs n’ont pas oublié qu’au-delà d’être des personnages (et des métaphores d’une subtilité discutable) se sont des êtres humains. Et ils sont traités comme des êtres humains, avec une personnalité, des aspirations et des peurs qui ne se limitent pas aux contraintes du scénario. Et une telle humanité des personnages dans un film, c’est finalement assez rare. Donc oui j’aime ces personnages et ils sont le meilleur point du film.


Bon et vu que je lui ai fait beaucoup de compliments là tout de suite, je vais revenir sur le gros point noir des Nouveaux Mutants. Pas forcément sont plus gros défaut (j’ai déjà parlé du scénario quasiment inexistant) mais surement le point qui joue le plus fort en sa défaveur. Si vous faisiez comme moi parti des gens qui l’attendaient avec impatience vous voyez peut-être déjà de quoi je veux parler : l’aspect horrifique. Bon parce qu’on nous l’avait vendu comme un film d’horreur à la sauce super-héroïque. Et tout le monde l’a déjà dit mais je vais le dire à mon tour : ce n’est pas un film d’horreur. Voilà. Mais au-delà de la publicité mensongère, qui n’est pas de la faute du film, mon vrai problème vient que cela crée une frustration. Parce qu’en fait les quelques scènes horrifiques sont globalement bonnes, voire très bonnes. Et le film avait un concept en or. Sans rien dévoiler, avec cette idée de base il pouvait tout se permettre dans le domaine de l’horrifique. Et avec des personnages bien écrits et rapidement attachants vous le sentez le potentiel énorme. Donc oui frustration. D’autant qu’il aurait suffi d’un tout petit détail pour compenser l’absence de scénario ET faciliter l’aspect horrifique :


raconter l’histoire du point de vue d’Illyana, Rahne, Sam et Roberto. Déjà on met en place une ambiguïté puisque l’hôpital est mystérieux et suspect mais représente leur quotidien. Puis Dani arrive, le docteur Reyes semble s’intéresser à elle plus qu’aux autres et en même temps les phénomènes horrifique commencent. Et voilà, du mystère, l’intrusion de l’horreur dans un contexte quotidien et un renforcement du personnage de Dani rendu plus ambigüe.


Pour le reste ? La mise en scène est efficace mais sans véritablement plus. La musique accompagne sans véritablement plus. Petit point sur l’esthétique globale : j’aime beaucoup. Déjà pour ce qui concerne les apparitions horrifiques c’est du très bon. Et notamment les hommes souriants. C’est simple comme concept, mais là c’est parfaitement utilisé. Pour ce qui est de la représentation des pouvoirs on a du classique avec Sam, du brouillon avec Illyana, du très réussi avec Roberto et du presque parfait avec Rahne. Enfin l’hôpital en lui-même. Bon je sais que beaucoup de personnes vont trouver sa cliché ou quelconque, donc là on est sur du cent pour cent subjectif mais j’adore ce genre d’esthétique ou d’ambiance.


Et ça va probablement être ça ma conclusion. Je ne vais pas faire comme si mon appréciation du film ne dépendait pas principalement de critères subjectifs. Un hôpital psychiatrique à moitié à l’abandon aux allures de lieu hanté, dirigé par un étrange médecin au service d’une organisation mystérieuse ? J’adore. Des personnages adolescents doté de pouvoirs les rendant surpuissants mais rongés par la peur et les traumatismes de leur passé. Regardez les notes que j’ai mis à la saga des Héros de l’Olympe et vous aurez la réponse. Et oui j’aurais aimé que l’ambiance soit plus horrifique. J’aurai aimé un scénario plus touffu laissant la part belle à plus de mystère. J’aurai aimé plus de scène d’interactions entre les personnages. J’aurai voulu qu’à la fin on découvre que le pouvoir de Dani soit d’invoquer Cthulhu. Mais je ne reprocherai pas aux Nouveaux Mutants de ne pas être un film parfait. Ça reste un vrai bon film qui a su me toucher. Et ça c’est déjà plus que bien.

Quentin_Tournon
7
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le 9 sept. 2020

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Quentin_Tournon

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