J’ai dû attendre une seconde vision pour vraiment apprécier The Birds d’Hitchcock, et cette troisième ne fait que confirmer mon admiration.
Le maître du suspense est alors encore dans son âge d’or, adaptant pour la troisième fois une œuvre de Daphne du Maurier après Rebecca et Jamaica Inn. Après le triomphe de Psycho, il attend pour la première fois trois ans avant de tourner à nouveau, un délai révélateur d’un certain essoufflement, lui qui confiera avoir eu du mal à trouver un sujet à la hauteur.
Comme dans Vertigo, Hitchcock explore ici de nouveaux territoires. Il s’éloigne de ses obsessions habituelles pour suivre une jeune femme séduisante dont la rencontre avec un avocat coïncide avec de mystérieuses attaques d’oiseaux. La force du film réside avant tout dans son atmosphère : d’abord intrigante, puis fascinante, ambiguë et enfin profondément angoissante. Le cinéaste prend son temps pour installer ses personnages et leurs relations, afin de mieux nous immerger dans leur expérience et de nous faire partager leurs doutes, leurs peurs, leurs questionnements. La construction du récit est exemplaire : la tension monte avec une précision millimétrée jusqu’à atteindre son paroxysme dans la dernière partie.
Hitchcock fait des oiseaux, ces créatures a priori inoffensives, l’instrument d’une peur viscérale. Il installe l’ambiguïté au cœur du récit, posant plus de questions qu’il n’apporte de réponses, maintenant ainsi un mystère captivant du début à la fin. Les personnages y contribuent largement : la jeune femme blonde bien sûr, mais aussi ceux qu’elle rencontre, tous subtilement écrits et dotés d’une vraie densité humaine. Hitchcock sonde les angoisses les plus profondes de l’âme, et cette menace sans raison apparente devient le miroir de nos propres peurs. L’ambiance est encore magnifiée par la contribution sonore de Bernard Herrmann, dont les expérimentations participent pleinement à la fascination exercée par le film.
Chaque plan est soigneusement composé, exploitant avec intelligence le décor paisible de la petite ville côtière, dont la tranquillité contraste avec la terreur qui s’y installe. La photographie couleur sublime les paysages, la reconstitution est impeccable, et les effets spéciaux, parfois mécaniques, demeurent étonnamment efficaces. Certaines séquences sont tout simplement mémorables, qu’il s’agisse des attaques ou de l’introduction, ponctuée de touches plus légères typiques du Hitchcock de cette époque. Devant la caméra, Tippi Hedren est fascinante : aussi belle que juste, elle incarne à merveille l’incompréhension et la peur qui gagnent peu à peu le spectateur.
Quarante-huitième film du maître, The Birds prouve qu’il reste au sommet de son art tout en sachant se réinventer. En nous plongeant au cœur d’une communauté ordinaire frappée par l’inexplicable, Hitchcock signe une œuvre obsédante, angoissante, mais aussi profondément fascinante.
Chapeau, sir.