Créée en 2001, la société Ciudad Lunar a permis à Cristina Gallego de produire divers longs-métrages, notamment les trois premières œuvres de Ciro Guerra, co-fondateur de ladite société. Pour leur quatrième collaboration, le duo réalise conjointement Les oiseaux de passage.


Ouvrant sur une cérémonie célébrant le passage au statut de femme du clan Wayuu, nous découvrons les us et coutumes de cette famille d'autochtones ainsi que la connaissance Rapayet, jeune homme élevé par des gringos après que son entourage fut massacré. Sa volonté d’épouser une femme du clan, et de faire prospérer cette famille, va le pousser à s’associer avec des étrangers et répondre aux exigences de ces derniers.
C’est en partant de cette base narrative que les auteurs déroulent une fresque familiale sur plusieurs décennies. Celle-ci est découpée en chapitres, représentant les différentes étapes significatives vécues par les protagonistes.


Tout au long du récit, nous apprenons les différentes règles régissant leur vie en communauté, leur permettant de vivre en autarcie. Le fait de suivre, principalement, Rapayet facilite cette immersion. En effet, le jeune homme semble avoir oublié ou découvre certaines règles régissant le clan. Ce manquement de sa part, nous permet donc d'en apprendre plus sur leur mode de vie.


Outre la structure narrative énoncée précédemment, le rythme repose principalement sur une mécanique de faute et pénitence. En effet, que ce sois dans la vie en communauté ou dans les affaires avec les étrangers, si un membre essuie un affront, il attendra de la partie offensante réparation. Ce principe est la clé de voûte de l'œuvre d’un point de vu scénaristique. Elle apparaît tôt dans les évènements ce qui nous permet de nous y familiariser. Évidemment, plus le dommage causé est lourd, plus grande sera la compensation à fournir.


Ce procédé permet, en théorie, aux autochtones de maintenir une paix entre les différents clans. Le respect des traditions, bien que requérant certains sacrifices, leur à permis de survivre à de nombreux ennemis. Évidemment, Rapayet, en électron libre au sein des siens, de par son parcours, va faire imploser ce mode de vie.


On notera que les auteurs se reposent en de nombreux points sur un principe de dualité. Le procédé narratif affront/réparation donc, mais aussi sur un plan visuel et symbolique. En effet, l’histoire se déroule dans un ensemble de lieux restreint et bien défini à la structure rapidement identifiable. La nature y est prédominante, on sait, par exemple, où se trouve les personnages s’ils sont en pleine forêt, dans une région désertique ou encore sur une plaine défraîchie.
De même, là où la nature est souvent signe de protections et de préventions, les éléments extérieurs ( voitures, armes, alcool,…) ne sont que sources de problèmes et de divisions internes. Cette scission du clan va mettre en exergue l’éternelle dichotomie entre les traditions et le modernisme ou comment vivre avec les opportunités de notre époque tout en conservant nos valeurs. C’est une des thématiques importantes de l’œuvre qui ça être constamment abordé et dont les parties sont, respectivement, représentés par Ursula et Rapayet. Chacun aura son moment d’apothéose ainsi que sa traversée du désert.


Cristina Gallego et Ciro Guerra offrent donc une plongée dans le trafic de drogue et sa prolification, les guerres intestines et ses conséquences, les traditions et leurs avenirs , et ce, en deux heures de temps. Une œuvre dense, aux thématiques variées, à la réalisation soignée qui ne manquera pas de marquer les esprits et la rétine.
Pour découvrir les futurs projets, il faudra patienter étant donné que le prochain film de Ciro Guerra est prévu en 2020, une première incursion sur les terres de l’oncle Sam intitulée En attendant les barbares. Quant à Cristina Gallego, sa dernière production, Sticks and Stones, n’a pas encore de date de sortie d’annoncé en France.

tzamety
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le 7 nov. 2018

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