Avec ‘Les passagers de la nuit’, Mikhaël Hers signe un très joli petit film, peut-être un brin trop long. Ce film joue sur notre nostalgie, notre émotion. Très bien interprété, on passe un moment agréable devant le visionnage de ce film.
Abandonnée par son mari, Elisabeth se retrouve seule, responsable de la garde quotidienne de ses deux enfants. Elle décroche un emploi dans une émission de radio nocturne, où elle rencontre Talulah, un jeune qu'elle décide de prendre sous son aile.
Bien que les films soient différents, le film n’est pas sans rappeler le film de Delmer Daves lui aussi intitulé ‘Les passagers de la nuit’. Bien que le film de Daves fût un film noir, il s’agissait bien de deux personnages (Bacall et Bogart) qui devaient vivre et survivre la nuit. Dans le film de Hers, il s’agit bien de suivre un quatuor vivant tel des animaux de nuits, en décalage avec les autres. Il y a déjà ceux qui travaillent la nuit (Elisabeth, et plus globalement le monde de la radio et son émission tardive) et qui dorment le jour. Il y a aussi les squatteurs, le monde alternatif que croisent la nuit Tallulah et Matthias. Et puis, il y a les jeunes dont les journées au lycée ne sont pas heureuses mais qui se révèlent et vivent la nuit : lors d’une soirée, ou en sortant bouleversés par un film vu au cinéma. A une étape décisive de leur vie, les quatres personnages vont devoir s’accoucher et la nuit va les aider.
Mikhaël Hers signe une sorte de caléidoscope d’une époque. S’ouvrant en 1981 après la première victoire de Mitterrand et se clôturant en 1988 après la mort de l’actrice Pascale Ogier. Hers montre une époque apparemment insouciante, dans un petit nuage comme semblent le montrer les images d’archive montrant la liesse des électeurs à la suite de la victoire de Mitterrand. Mais derrière cette insouciance, certains évènements tragiques viennent craquer la bulle, comme le symbolise la place que Hers accorde à Pascale Ogier, morte brutalement à 25 ans en pleine ascension.
Le metteur en scène filme assez bien le quartier de Beaugrenelle que l’on voit rarement au cinéma : ses tours, ses vitres. Ces tours gigantesques, ces appartements modernes et impersonnels, cette zone vide permet de situer l’errance initiale d’Elisabeth. Les vitres jouent d’ailleurs un rôle essentiel. Il y a celles du studio d’enregistrement, celles de l’appartement, celles du métro. Outre l’intérêt scénaristique, les vitres donnent de très jolis reflets. Mikhaël Hers signent une mise en scène très élégante, très bleue, mêlant habilement images d’archives.
La limite du film, est que, pour parodier le titre d’un nanard réalisé par Jean Yanne, ‘Tout le monde il est beau, tout le monde il est charmant’. Peu d’âpreté dans ce film, peu de crises et au fond peu de vraies difficultés. Il y a bien quelques disputes, des engueulades mais elles ne durent jamais. En fait, les difficultés ici sont sentimentales. C’est le dada de Mikhaël Hers. ‘Ce sentiment de l’été’ tournait autour du deuil. Tout comme ‘Amanda’, qui parlait également de paternité. Cet intérêt pour les sentiments n’est pas sans rappeler le cinéma d’Éric Rohmer. Pas un hasard si les jeunes vont découvrir ‘Les Nuits de la pleine lune’ avec Pascale Ogier.
Charlotte Gainsbourg trouve ici un très beau rôle, à la hauteur de sa sensibilité. Elle passe par toute la gamme des émotions. Elle est frêle, forte, drôle, en larmes. Quand on l’entend en voix-off, c’est un pur bonheur.