Aprés un voyage à New-York où elle rencontre Warhol, Vera rentre en tchequie avec un sénario dépouillé et une furieuse envie de jouer avec les couleurs et les limites imposées aux femmes. En découle Les petites marguerites, film à la limite de l'experimental, où Marie 1 et Marie 2 jouent à se "dépraver" au rythme des changements anarchiques de bobines et de couleurs.
Le choix des couleurs du film vient plus d'une contrainte financiére que d'un parti pris artistique (en tout cas et debut mais il finit par intégrer complétement la narration) parce que quand on se lance dans un film sans sénario, on ne peut pas attendre des financements, alors on fait avec les restes de pellicules, et c'est suffisant, et quand on finit par oublier l'anecdote, ca devient même subversif. En détruisant l'unité colorimétrique du film, en sautant d'un environement à l'autre en faisant fi de toute forme de convention narrative, Les petites marguerites explose la notion d'espace même.
Les petites marguerites joue a fond cette carte de la destruction, du plaisir du chaos, qu'ont elles de si subversif ces filles qui se permettent de mal mener un peu ces bourgeois encroutés qui leur ont toujours dit qu'elles seraient mignones et c'est tout? De tous les films des années 60, Les petites marguerites est probablement le plus émancipateur pour les femmes, il est celui qui offre un espace où prendre à son propre jeu un vieux blanc en lui faisant payer l'adition n'est pas grave, enfin jusqu'à un certain point. Parce qu'une femme qui s'émancipe n'est plus un élément desirable de la société, voire, elle la menace et surtout, une fois gouté le plaisir de la liberté, difficile de retourner à sa petite vie tranquille. peu aprés qu'elles se soient décidées à devenir des dépravées, elles croquent a pleine dent d'abord les fruits d'une sorte de jardin d'Eden, puis tout ce qu'elles trouveront sur leur passage. Elles se goinfrent, bouffent et trouvent finalement au sous sols de l'immeuble, un incroyable banquet. On inverse la situation. Le banquet n'est plus la propriété des élites qui le dévoreraient goulument, il est honteux, caché dans un sous sol, précieusement conservé jusqu'à ce que les drôles de dames le trouvent et le pillent. RIEN ne pourra jamais réparer l'affront d'avoir piétiné les plats,ne s'offrent à elles plus que le choix de leur mort. "Ce film est dédié à tous ceux qui ne s'offusquent que devant des laitues piétinées". C'est la fin des petites marguerites, et je ne sais pas vous, mais ça m'a redonné envie de danser sur les tables.
Le film connaitra un peu le même destin que ces personnages, immédiatement interdit de diffusion en Tchéquie, Vera Chytilova n'aura plus le droit de tourner pendant plusieurs années. Le tout pour avoir rejeté le bon gout dans une ode à la destruction.