C’est un film étrange, on ne peut dire autre chose. Et effectivement on ne peut que s’accorder à convenir que les aficionados du western spaghetti risquent d’être déconcertés et certainement très déçus. Très clairement, à une période où le genre touche à son crépuscule, Lucio Fulci s’en sert comme cadre justement à cet effet. Ce n’est pas la fin du western italien que filme le réalisateur, c’est une fin plus brutale encore, celle de la fin d’un monde voire du monde. Plutôt qu’un simple road-movie, on assiste ici à un véritable voyage initiatique mais qui n’est pas de ceux qui sont formateurs. Nihiliste à souhait, le récit se rapproche davantage du voyage célinien ou d’un plongeon plus avant vers les ténèbres. L’humanité n’est qu’une porcherie, l’homme un loup pour l’homme, et le réalisateur se plaît à multiplier les scènes de sadisme qui traduisent cette peinture au vitriol de la société. Et quoi de mieux, en effet, qu’un genre agonisant pour illustrer l’agonie même de l’humanité ?
Le propos est fort, certaines visions hallucinantes, mais Lucio Fulci n’est pas Coppola ou Herzog pour nous entrainer dans un voyage vers l’enfer aussi puissant qu’il le voudrait. Il pose certes une ambiance totalement baroque qui parvient à installer certains de ses personnages au bord de la folie (Tomas Milian, bien entendu, en illuminé satanique), mais le propos manque de profondeur et le réalisateur a tendance à multiplier des scènes qui se veulent « chocs » pour illustrer son propos. L’ambition est louable mais la démonstration quelque peu trop appuyée et le voyage très symbolique de ses personnages pas aussi fouillé qu’on aurait pu le souhaiter. Reconnaissons cependant la pertinence du postulat et la force de frappes de certaines séquences qui ne laissent pas de marbre. Porté par un casting qui passe aisément le cap, l’ensemble joue avec une certaine efficacité sur la force de son propos et la carte de la série B qu’elle incarne. De toute évidence, le réalisateur italien est alors au sommet de son art et, s’il ne réussit pas tous ses projets cinématographiques de l’époque, il parvient à véhiculer une véritable vision, dont ce titre est la parfaite illustration.
Pas toujours convaincant, pas toujours bien rythmé, parfois maladroit, ce film vaut certainement plus pour ce qu’il représente que pour ce qu’il est véritablement. Il s’inscrit également totalement dans cette vision, reprise à plusieurs reprises, de western aux accents un peu folks et soixante-huitards avec ses costumes, ses coiffures et ses musiques très éloignées des premiers westerns signés dix ans plus tôt. La violence est toujours omniprésente mais on sent bien qu’elle s’est déplacée et que le propos est ici plus symbolique que politique. Ce n’est pas désagréable, loin de là, mais cette proposition en décontenancera plus d’un.