Sortit deux ans après « The Last Hunt » (La dernière chasse) de Richard Brooks, « Les racines du ciel » fut un four commercial lors de sa sortie. En 1958, en plein milieu des trente glorieuses, les préoccupations écologiques étaient éloignées de la tendance de l’époque qui faisait découvrir aux masses une société de consommation dont ils furent exclus jusqu’aux années vingt en Amérique du Nord et cinquante en Europe et au Japon. Contrairement au film de Brooks, Huston n’a pas bénéficié d’un casting de première classe, même si Trevor Howard offre une prestation du même niveau que celle de Stewart Granger. Le problème est ailleurs. En premier dans un découpage relâché amenant le film à un peu plus de deux heures, mais en atténuant la tension tout en tiédissant les rapports par la faute de méchants de pacotille, mal interprétés par Herbert Lom (Orsini) ou Edric Connor (Waitari) sans oublier le cabotinage au sourire figé de Grégoire Aslan (Habib) et un humour parfois pachydermique (pardon, vu le sujet), comme la scène de la fessée. Paradoxalement, Huston qui fut un grand chasseur devant l’éternel, dénonce, comme Brooks, le massacre des animaux. Néanmoins, s’il avait choisi de tourner sur place (dans des conditions épouvantables, la température dépassant 50°C le jour et tombant à seulement … 35°C la nuit) pour pouvoir tuer un éléphant, il s’imprégna tellement de la cause que défend le film, qu’il renonça. Si aujourd’hui cette défense des animaux, de tous les animaux « y compris les oiseaux » ne peut qu’attirer la sympathie, le film ne compte pas dans les réussites du cinéaste et est davantage sauvé par les surprises du casting. Au début, un numéro étonnant d’Orson Welles suite à une charge de chevrotines dans l’arrière train, mais surtout de la stupéfiante Juliette Gréco, maîtresse du producteur Daryl Zanuck (adulé par John Huston, respecté par John Ford) dont Orson Welles justement, disait qu’elle était la femme la plus sexy du monde. Au regard de sa prestation dans le film, je serai assez d’accord. Mais au regard des ambitions du roman de Romain Gary que le réalisateur adorait, cette adaptation temporellement linéaire, déçoit à la fois les fans de l’écrivain et ceux du réalisateur. A voir pour Gréco et le crépusculaire et pathétique Errol Flynn.

Ronny1
6
Écrit par

Créée

le 28 févr. 2023

Critique lue 32 fois

Ronny1

Écrit par

Critique lue 32 fois

D'autres avis sur Les Racines du ciel

Les Racines du ciel
Heurt
7

Chasseur dans la vie, mais protecteur des animaux à l'écran.

En 1958 la question de la protection des animaux sauvages et la conscience écologique étaient déjà là, le film soulève tout un tas de questions liées à ces thèmes. L'homme se permet tout. Sous...

le 6 déc. 2019

9 j'aime

Les Racines du ciel
Boubakar
3

Un éléphant, ça peut se tromper.

Tout est dit dans la genèse du film : John Huston, échaudé par l'échec de son film précédent, Le barbare et la geisha, ne voulait pas tourner ce scénario jugé "médiocre", mais il voulait se changer...

le 24 déc. 2013

5 j'aime

Les Racines du ciel
greenwich
7

Les racines du ciel (1958)

Il s'agit d'un film se déroulant en Afrique équatoriale du temps des colonies. Le scénario est tiré du roman de Romain Gary. Morel veut sauver les éléphants qui sont chassés pour leur ivoire. Il...

le 17 juil. 2015

2 j'aime

Du même critique

La Mort en ce jardin
Ronny1
6

Simone Signoret et la jungle

Dans « La mort en ce jardin » les amateurs de Buñuel retrouveront le sexe et la mort, la dictature avec la compromission de l’église, mais qui furent traités avec plus de profondeur dans les...

le 5 mai 2021

4 j'aime

Cela s'appelle l'aurore
Ronny1
7

Elle s'appelle Lucia

A la première vision « Cela s’appelle l’aurore » surprend les fans de Luis Buñuel par son académisme. Les ruelles de la ville (Bastia ?) une utilisation très contrastée du noir et blanc et une...

le 4 mai 2021

4 j'aime

1

Pour la sauver
Ronny1
7

Début chez la Fox

« Just Pal » (Pour la sauver) est le premier film que John Ford réalisa pour la Fox, son contrat de trente cinq films (dont neuf courts métrages) pour la Universal ayant prit fin. Malgré son jeune...

le 18 janv. 2023

3 j'aime