Synopsis : McTeague est un ancien chercheur d'or reconverti en dentiste dans une petite bourgade. Par l'intermédiaire de son ami Marcus, il fera la connaissance de Trina, une sympathique jeune femme qu'il épousera très rapidement. Heureux mariage, suivi d'une chance incroyable: son épouse gagne la rondelette somme de 5000 dollars à une loterie. Pourtant, à partir de cet instant, la vie des trois compères deviendra un véritable enfer de jalousie et de cupidité.


Deuxième film de Von Stroheim que j'ai l'occasion de voir et des similarités évidentes font surface : les femmes, l'argent, l'alcool ou encore l'infirmité. Des sujets pas trop en vogue durant le courant des années 20 où pourtant le réalisateur n'hésite pas à être très explicite. Quand le point de départ de Greed est un viol... On a vite compris. Problématique, polémique, exigeant mais aussi (faut-il le reconnaitre) visionnaire, le cinéma de Von Stroheim est clivant.


Ce porte-étendard du film dit naturaliste a pourtant subi pas mal de péripéties avant sa sortie en salle. Des exigences à outrance venant de son réalisateur qui ont aboutis à 42 bobines et dont seulement 10 ont été porté sur grand écran, après une césure violent de la maison de production MGM. Von Stroheim désavouera cette version même si elle seule réussit à s'ancrer définitivement dans l'Histoire du cinéma.


Concernant le scénario lui-même, la vision reste d'époque : les femmes sont mises de côté et, bien que Trina reste un élément majeur dans l'œuvre, elle est représentée dans son aspect le plus minime qu'il soit. Pour preuve, elle est échangée par Marcus sans consultation... Youpie. Peut-être était-ce un moyen extrêmement maladroit pour souligner la volonté et l'amour de McTeague en début de métrage avant que leur couple sombre par manque d'acte sexuel ? Quoiqu'il en soit, le visionnage en 2023 fait soulever de gros problèmes sociétaux. Et ça correspond avec le thème principal du film ; parce que Les Rapaces n'annonce rien de folichon, et est à contre-courant de la mouvance du cinéma muet.


Brute, violent, direct. Le film dépeint la misère et la perversion de notre monde. Entre le costaud Gibson Gowland incarnant un McTeague naïvement sensible face à l'incroyable jeu de Zasu Pitts passant d'un aspect fragile à une mégère avare, Les Rapaces reste prometteur. Et cette tension de couple qui se détériore jusqu'à tomber dans tous les excès nous rappelle qu'on n'est jamais loin de la limite. Surtout lorsqu'il s'agit d'argent ! Car un chèque de 5000$ peut soulever pleins de problèmes : jalousie, cupidité, folie. Problème mis en scène d'une main de maître : plans serrés sur les visages décrépis, les mains sales et décharnées, les décors minimalistes pour accentuer la misère... D'ailleurs, lorsque le premier plan représente une pépite d'or et que le dernier représente une bourse pleine, le film prend tout son sens.


Von Stroheim était un cinéaste incompris ; trop en avance sur son temps, et attaché au réalisme Kubrickien : comme tourner en plein été dans un désert aride pour tendre vers un perfectionnisme absolu, quitte à faire souffrir ses acteurs principaux. Quand on s'intéresse au personnage, on peut comprendre ses ambitions thématiques. Mythomane dans l'âme, il se faisait passer pour un descendant bourgeois afin de jouir des propriétés de l'argent. Marié par trois fois, on peut comprendre sa vision si particulière vis-à-vis des femmes et de la sexualité en général.


Controversé, ce réalisateur s'est fritté avec la MGM car il était trop gourmand en coût de production. Ironique quand on sait que le film qui a fait chuté sa carrière avait pour thème l'avarice...

HALLUciné
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le 24 août 2023

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