On est là dans une tradition bien française de cinéma littéraire et théâtral, perpétrée avec plus ou moins de bonheur par Robe-Grillet, Duras, Rohmer, Deville ou Resnais. Les partis pris sont radicaux, l'anti naturalisme assumé, la démesure revendiquée.

On est donc coupé du monde dans un appartement en carton, lieu d'une orgie future. La partouze à venir [ou pas] n'est évidemment que prétexte à discussions incessantes, réminiscences du passé, échanges de caresses, le tout emballé dans un prêchi-prêcha érotique déjà-vu, sous forme de catalogue de fantasmes en tous genres. C'est plutôt bien écrit, savant dosage d'élégance et de grivoiserie, souvent drôle, parfois ridicule.

L'image n'est pas belle. Les décors sont laids. On se croirait en plein cœur des années 80, dans le téléfilm érotique du dimanche soir sur M6. C'est aussi poseur, aussi faux, aussi artificiel. Mais comme cette esthétique très marquée est revendiqué par Yann Gonzalez, on ne peut pas lui en faire le reproche, mais simplement dire qu'on n'aime pas. Les rencontres d'après minuit est un film totalement dépourvu d'émotion. L'afféterie domine, s'auto-alimente et lasse.

Yann Gonzalez a souhaité une distribution contrastée. Elle est de fait ni homogène, ni équilibrée. Si Nicolas Maury domine largement ses camarades dans le rôle le plus intéressant, si Fabienne Babe ou Béatrice Dalle s'en sortent bien, on trouvera Éric Cantona, Julie Brémond ou Alain-Fabien Delon plutôt maladroits, quand Kate Moran et Niels Schneider sont presque mauvais. Cette disparité ne facilite pas les choses, et même l'excellente bande son [M83, notamment] ne suffit pas à rendre l'ensemble homogène. La fin est plutôt jolie malgré les larmoiements, plus charnelle enfin.

>>> Film vu en avant-première en présence de Yann Gonzalez, très sympathique et assumant pleinement son travail, ce qui force le respect. Un court-métrage précédait le long : Nous ne serons plus jamais seuls s'avérant plus beau, plus moderne et plus vibrant que Les rencontres d'après minuit. On attendra donc le prochain film de Gonzalez avec curiosité.
pierreAfeu
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le 6 nov. 2013

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