Il y a chez Laurent Laffargue un vrai désir de bien faire, qui se ressent beaucoup dans les choix de mise en scène. « Les rois du monde » bluffe véritablement par la beauté soignée de ses plans, irréprochables. Le réalisateur travaille la composition de ses cadres avec précision, comme un peintre prend soin de sa toile. De toute la gamme chromatique, le rouge prédomine, teintant l’atmosphère de toute la sauvagerie et de l’excitation que cette couleur dégage. Ambivalente, celle-ci est aussi sensuelle qu’inquiétante. Aussi amoureuse que violente. De ce point de vue, cet effort esthétique n’est pas qu’un simple détail : il renforce au contraire l’aspect cornélien de l’histoire, faite de choix toujours impossibles. La vie ou la mort, l’amour ou le rejet, la raison ou la passion …
« Les rois du monde » est un film résolument sanguin. Pourtant, cette force visuelle et physique ne suffit pas à combler les lacunes d’un élément essentiel de l’histoire : l’écriture. Effectivement, les dialogues m’ont paru d’une pauvreté déconcertante, en contradiction totale avec la subtilité des images, rétrogradant le film à l’ennui le plus plombant. Est-ce la chaleur qui fait tourner les têtes ? On retrouve là de bien curieux oiseaux, de Romane Bohringer grimée en mère philosophie au gay luron copain de comptoir. Au regard du film, le village de Casteljaloux prend des allures de débauche. On s’y perd, on s’y noie, on s’y bat ou se débat … Toujours une cigarette à la main et l’alcool dans les veines. C’est peut-être ce qui m’a le plus frappé dans ce film : ce besoin permanent de filmer le relâchement. Celui de l’abandon, face à la fatalité; en dépit de l’ostensible agitation.
Certes, le synopsis annonce la couleur : celle d’un triangle amoureux, dans lequel les hommes s’affrontent comme des hommes. Ou, plus précisément, comme des animaux. De jalousie en possessivité, Chantal (Céline Sallette) semble vouée – bien malgré elle – à attiser des destins nécessairement tragiques, objet d’une corrida sanglante dès que les mâles croisent sa route. En fin de compte, un film dopé à la testostérone, carburant aux clichés machistes les plus détestables.
D’un autre côté, « Les rois du monde » possède un autre visage. Celui de l’issue par le théâtre, terrain de défoulement privilégié de Chantal. Enfin, le film s’élève et donne à voir du vrai spectacle, porté par les tripes de la comédienne soudain affolante, hystérique, entière. Tout le reste n’est que doucereux, trop attendu pour être encore crédible. Les déclarations désabusées, sentant fort le pastis 51, ne font honneur ni au sentiments ni à l’histoire. Tout comme Jacky se montre plus bourru qu’amoureux. Que faut-il comprendre ? Que la femme n’est ici qu’un enjeu d’ego ? Où est le véritable amour ? Celui qui fait trembler les chairs et chavirer les cœurs ? Terrible, qu’il faille attendre la fin pour voir enfin éclore l’apothéose annoncée d’une dramaturgie maudite, qui réveille brutalement le spectateur endormi … A voir pour le final grandiloquent. Le reste, j’ai décroché.