A l'image de son cousin australien, le lapin américain aime à profiter des grands espaces pour s'offrir quelques nuits câlines à la belle étoile. L'animal se reproduit donc avec ardeur et insouciance mais l'homme, en grand rabat-joie qu'il est, entend bien mettre un terme à cette prolifération nuisible. Pour cela, une paire de scientifiques développe une hormone qui devrait amoindrir les pulsions de ces bêtes de sexe. Malheureusement et comme c'est souvent le cas, les créatures privées de leurs ébats quotidiens développent une tendance à l'obésité ainsi qu'à l'agressivité. En fait, la frustration semble si forte que ces sympathiques rongeurs en viennent même jusqu'à peser 80 kilos ! Inévitable, le duel humain-lapin peut enfin avoir lieu...

Depuis KING KONG et son bestiaire géant, les animaux n'ont cessé d'afficher des mensurations étonnantes au cinéma. Le genre explose même véritablement dans les années 50 alors que l'homme est maintenant exposé à une nouvelle menace, celle du nucléaire. L'argument est dès lors tout trouvé et les radiations provoqueront les naissances consécutives du MONSTRE DES TEMPS PERDUS en 1953 puis celle, ô combien notable, de GODZILLA en 1954. Bien évidemment, il ne s'agit là que d'un bestiaire imaginaire, aux origines obscures relevant davantage du symbolique que du crédible. Les cinéastes n'ont cependant pas l'intention d'en rester là et très vite, ce sont des animaux du quotidien qui vont se mettre à enfler. Le spectateur aura ainsi droit à de terribles sauterelles (BEGINNING OF THE END), fourmis (DES MONSTRES ATTAQUENT LA VILLE), pieuvres (LE MONSTRE VIENT DE LA MER) et même crabes (L'ATTAQUE DES CRABES GEANTS) ! Les créatures nucléaires ne sont cependant pas seules et devront jouer des coudes avec les monstres préhistoriques (LA CHOSE SURGIT DES TENEBRES ou LE SCORPION NOIR) et les expériences scientifiques foireuses. Là encore, ce sont d'innocentes bestioles qui vont prendre des allures de tueurs sanguinaires dodus. A ce titre, les rats et les poules de SOUDAIN... LES MONSTRES ne nous contredirons pas davantage que les braves musaraignes de THE KILLER SHREWS !

Reste que nous sommes à l'aube des années 70 et que personne n'a encore osé franchir le cap du lapin-tueur-géant (MONTY PYTHON, SACRÉ GRAAL n'arrivera que trois ans plus tard). Qu'à cela ne tienne ! Sans doute munis d'un stock monumental de substances illicites, Don Holliday et Gene R. Kearney débutent donc la lecture du roman "The Year of the Angry Rabbit" de Russel Braddon. L'œuvre est bien évidemment métaphorique mais nos deux comparses n'en ont que faire et ne retiendront que la simple présence d'énormes lapins aigris. Munis de cet unique et filiforme argument, les deux hommes se lancent dans la rédaction d'un script que l'on imagine fort logiquement farfelu et désopilant... Grave erreur cependant puisque LES RONGEURS DE L'APOCALYPSE n'a rien d'un film traitant son sujet à la légère. Le second degré ne sera jamais de mise et ce malgré un postulat des plus délirants. Bien conscient de l'équilibre précaire de l'entreprise, le réalisateur William F. Claxton décide donc de débuter son film par de véritables images d'archives. Celles-ci nous dévoileront, trois minutes durant, les dégâts occasionnés par une armée de bondissants rongeurs sur le sol australien. Bien qu'elles n'aient rien de tétanisantes, ces images ont en revanche le mérite d'ôter le sourire niais qui s'était probablement installé sur le visage du spectateur lors de l'insertion du DVD. Le climat se voit ainsi rapidement exposé et l'aspect nuisible du lapin ne fait dès lors aucun doute...

Fort de cette efficace introduction, Claxton poursuit sur sa lancée en nous présentant le personnage de Cole Hillman, héros du film et authentique cow-boy n'hésitant pas à abattre son bien-aimé cheval fraîchement blessé à la patte. Le monde des cow-boys est décidément aussi impitoyable que celui des lapins ... Vient alors l'heure du cafouillis scientifique. Celui qui va enfin nous expliquer, à la manière de TARANTULA!, comment Bugs Bunny peut devenir un serial killer de 80 kilos. L'argument n'est pas convaincant mais là encore, le cinéaste sait y faire et préfère enchaîner directement sur un premier massacre. La vision d'un cadavre humain lacéré et démembré ne laisse ainsi plus d'autre alternative : Il faut buter tous ces §£*#¤§ de lapins-tueurs-géants !

L'heure qui suivra sera donc entièrement dévolue à la disparition de cette espèce mutante particulièrement maligne. En effet, malgré l'ingéniosité des stratagèmes mis en œuvre, les boules de fourrure résistent et nombreux sont les humains qui y perdront la vie. En cela, LES RONGEURS DE L'APOCALYPSE est un film généreux dont le rythme ne décélère jamais vraiment. Le mode d'attaque des lapins n'est pas très varié (ces lapins-là n'ont pas de fusil) mais force est de constater que l'on prend rapidement plaisir à voir ces bestioles sauter à la gorge de madame et monsieur tout-le-monde. Un sang rouge carmin coule de manière régulière et, en contrepartie, c'est au fusil de chasse que vont être explosés de nombreux rongeurs. Malgré des moyens à l'évidence limités, le métrage fait par ailleurs preuve d'une certaine ingéniosité. La course des lapins nous est par exemple montrée au ralenti, donnant ainsi une impression de "corpulence" et de "lourdeur" à des animaux pourtant très vifs. Dans le même ordre d'idée, William F. Claxton filme les babines ensanglantées de ses bestioles en gros plan et en contre-plongée. Bien que nous ne soyons jamais très loin du ridicule, la dentition ainsi exhibée remplit son office et suffit à faire de ces braves lapins des tueurs véritables. L'usage très régulier de maquettes fait lui aussi illusion et l'ajout d'une bande originale aux sonorités "tribales" inspirées nous conforte dans l'idée que nous avons là du travail bien pensé.

Bien évidemment, tout n'est pas parfait dans LES RONGEURS DE L'APOCALYPSE et certaines séquences, trop osées sans doute (l'attaque des chevaux), fleurent bon le cascadeur déguisé en lapin Duracell. Qu'importe en réalité ces quelques maladresses car au final, le sérieux de l'entreprise emporte la mise et termine de convaincre via un final d'une étonnante sauvagerie, variante énergique de l'extermination ferroviaire vue dans LE SCORPION NOIR. Mais si la mission est modestement réussie, ce n'est pas uniquement grâce à la mise en scène globalement inspirée de Claxton. En effet, cette petite victoire face au ridicule est aussi à mettre au compte d'acteurs sympathiques s'avérant largement plus convaincants que ceux d'un SOUDAIN... LES MONSTRES par exemple. Parmi ceux-ci, nous citerons donc Stuart Whitman, acteur récompensé pour THE MARK que les fantasticophiles reconnaîtront sans doute en tant que Shérif dans LE CROCODILE DE LA MORT. A ses côtés oeuvrera Rory Calhoun, éternel cow-boy qui portera ici et comme à son habitude un chapeau de circonstance. Terminons enfin ce petit tour d'horizon par celle qui se fit poignarder dans la douche de PSYCHOSE, Janet Leigh, et DeForest Kelley, éternel Dr. McCoy de la saga STAR TREK...
iGore
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le 20 oct. 2011

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