Suite à un étrange accident de voiture, un jeune homme, Arthur Waldo, est recueilli dans la petite ville australienne de Paris. Mais cette communauté est pour le moins étrange. Tout semble tourner autour de l'automobile, et les pièces détachées de voitures sont même un moyen de troc courant. Enfin, les jeunes de la ville passent leurs journées à bricoler et à conduire des bolides bardés de pointes et de protections. Arthur tente de quitter Paris, mais on l'en empêche. Il comprend que les habitants de cette cité provoquent délibérément des accidents dans la région...

Difficilement classable, LES VOITURES QUI ONT MANGE PARIS emploie le ton d'une satire absurde, jouant sur le contraste démesuré entre ce que Paris prétend être et ce qu'elle est vraiment. Derrière une façade de petite bourgade paisible et respectable se cache une cité de pirates de la route, dont l'économie repose essentiellement sur le pillage et le meurtre. Quant Arthur cherche à quitter la cité, il se rend compte que ses habitants ne le laissent pas faire, et il se retrouve dans une situation de captivité qui ne dit pas son nom, comme le numéro 6 de la série LE PRISONNIER, dont le Village kafkaien a bien des points communs avec le Paris de Peter Weir. Les "citoyens" (dont la plupart ne nous sont désignés que par des intitulés liés à leur fonction "respectable" : le maire, le policier...) forment une communauté complètement délirante, alors qu'ils cherchent à donner d'eux-mêmes une image de normalité à laquelle ils ne correspondent guère.

En effet, toute l'économie de Paris fonctionne grâce à des accidents de voitures, provoqués par des pièges disposés à ses alentours. Les survivants sont pour la plupart lobotomisés, puis envoyés à l'asile local, tandis que leurs biens et les pièces détachées de leurs véhicules sont récupérés et monnayés par les habitants. Les carcasses inutiles sont abandonnées dans la campagne, où les jeunes les récupèrent pour bricoler leurs propres voitures. Cette société est envahie par l'automobile, et la violence routière y est une norme horrible, une folie banalisée et acceptée avec fatalité. Cette violence est alors le symptôme absurde d'un système où l'homme n'a plus aucun contrôle sur les machines et l'usage qu'il en fait. Cette vision pessimiste du phénomène automobile rapproche LES VOITURES QUI ONT TUE PARIS d'ASPHALTE de Denis Mara, qui décrit un grand départ en vacances sur les routes de France comme un carnage brutal. Dans une certaine mesure, il rejoint encore la dénonciation de l'invasion de notre univers par les voitures, déjà stigmatisée par TRAFIC de Jacques Tati ou le film de science-fiction WEEK END de Godard.

Si LES VOITURES QUI ONT MANGE PARIS séduit par son propos insolite et original, proche de l'esprit de LA QUATRIÈME DIMENSION, il souffre aussi de certains défauts. Techniquement, le cinéma de Peter Weir est ici soigné, mais aussi assez banal, et on ne trouve pas encore la maîtrise dont il a fait preuve ensuite, de PIQUE-NIQUE A HANGING ROCK à MASTER AND COMMANDER. De plus, après avoir exposé le fonctionnement de la société de Paris, le film semble un peu à court d'arguments et donne dans un remplissage anecdotique et répétitif, trahissant un souci de structure.

LES VOITURES QUI ONT MANGE PARIS n'est certainement pas du niveau des meilleurs films de son auteur. Il s'agit pourtant d'un point de départ intéressant qui, malgré, ses faiblesses, révèle un créateur à la personnalité affirmé. Même s'il rencontre un certain succès d'estime, LES VOITURES QUI ONT MANGE PARIS n'est pas vraiment une réussite commerciale, et son exploitation ne rembourse pas son budget. Il annonce toutefois, par l'aspect de ces véhicules les plus monstrueux, les bolides tueurs LA COURSE A LA MORT DE L'AN 2000, et bien sûr de MAD MAX et de ses suites et dérivés. Aux USA, le film est acquis par Roger Corman qui l'y fera distribué par sa firme New Line, dans une version tronquée.
iGore
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le 20 oct. 2011

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