S'il est bien une tare de mon comportement, c'est de ne pas, spontanément, me précipiter au cinéma pour voir les blockbusters dont la promotion a défrayé la chronique pendant de multiples semaines, voire mois.

Néanmoins, ayant été un très jeune lecteur passionné de Dumas, et en particulier de la saga des mousquetaires, ne me serais-je pas trahi moi-même en n'allant pas voir ce film ?


Mais assez d'intro, parlons de l’œuvre. Le parti pris repose sur deux piliers. Le premier, c'est d'en faire un film d'action plus adulte que l’œuvre littéraire, et que les précédents films sur le sujet (et il y en a une cinquantaine). Les combats sont violents, sanglants, sans salamalecs (je compatis y emmener ma fille mais finalement euh...on va attendre un peu, les corps nus pleins de taillade c'est pas encore de son âge), les intrigues sont riches en sacrifices et en enjeux élevés, ce qui rejoint le deuxième parti pris : installer l'Histoire au cœur de l'intrigue, là où les romans l'utilisent comme accessoire. Franchement, sur ces deux points c'est TRES réussi : l'intrigue est tortueuse (et sans doute un poil incohérente, mais j'espère que j'ai mal compris), même si elle n'est pas à proprement parler historique, elle a le mérite de résumer en une seule narrative la situation de l'époque : les déboires de Louis XIII et Richelieu avec le frère du roi d'un côté, et les future République Protestante de l'autre.


Les puristes de l'Histoire déploreront cette approximation, mais elle ne dépare pas le film...les deux bémols "historiques" étant clairement, d'abord pour le détail, les armes à feu à plusieurs coups, complètement anachroniques et qui font déraper une scène où clairement Milady eût été morte....et surtout le parti pris des costumes....eh oui, il faut bien rappeler que d'une part, on a une parfaite connaissance des costumes de l'époque, qui étaient, que ce soit pour les mousquetaires comme pour les autres, chamarrés, colorés, même les moins fins, et que d'autre part, du XVI au XVIIIème, les siècles sont émaillés de mousquetaires et autres cadets renvoyés de leurs compagnies pour n'avoir pas porté leurs couleurs et/ou s'être déplacé dans Paris dans un "état de saleté contraire aux couleurs" de leur uniforme.

Ces visuels cuirs fadasses associés aux films d'actions hollywoodiens de la fin des années 90 et 2000, introduits en france par le pacte des loups notamment, et que l'on retrouve aussi dans la série de la BBC et de manière périphérique dans le film de Paul Anderson sont qualifiés "d'antihistorique" par les historiens spécialistes des costumes, que ce soit pour l'époque Ancien Régime, mais aussi le Moyen-Age comme la série Vikings et compagnie. C'est généralement voulu, pour mettre en accord la vision du public (qui se base beaucoup sur les restes archéologiques) avec le spectacle, et augmenter l'adhésion intellectuelle. Mais rien n'est plus faux, en fait.


Mais je m'amuse à discuter d'un point qui ne gâche pas franchement le flim (même si c'est pas un flim sur le cyclimse). Par ailleurs la réalisation est sympa, la musique très bien, et surtout les acteurs sont tous excellents et efficaces.


Ce qui rend l'inconvénient principal du film particulièrement rageant : alors que les acteurs font le boulot, que les changements scénaristiques sont inspirés, l'écriture est...plus que décevante.


Les dialogues, d'abord, sont excessivement inégaux, allant de traits magnifiques, à des phrases qui pourraient être écrites par Dumas (certaines le sont mais pas toutes), en passant par des lignes plates, mornes et sans intérêt...

Les personnages secondaires du roman sont TOUS, je dis bien TOUS, supprimés (il y a d'Artagnan et les 3 mousquetaires, le Roi et le Cardinal, Tréville, la Reine, Buckingham, Constance et Milady et ça s'arrête là) au profit de quelques rajouts sans intérêts ou au contraire peu développés (je pense à Chalais, dont le public voit bien l'existence mais sans même qu'il soit nommé) alors qu'ils eussent mérité de l'être.

Mais l'absence la plus flagrante est celle du caractère des personnages, au sens littéraire du terme : où sont passés le panache de d'Artagnan, la noblesse et le détachement d'Athos, la verve et la courtoisie d'Aramis, la fatuité et les espérances de Porthos ?


C'est là la plus grosse déception de ce film : on voit des acteurs au sommet de leur art au service de personnages vidés de leur substance, celle-là même qui les rend emblématiques....alors que les scénaristes ont réussi le tour de force unique de changer une intrigue avec succès, ils ont défait ce que faisait le sel des livres et de bon nombre d'adaptations cinématographiques précédentes, même des moins réussies.





CapitaineCarott
5
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le 17 avr. 2023

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CapitaineCarott

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