Les Petits meurtres d'Ah-Casse-toi Pousse-t'y: Mystère des toilettes closes à la rue Morve

Boileau-Narcejac - "Après tant d'autres, nous ne pouvons que répéter qu'il n'est plus possible, aujourd'hui, de baser l'intrigue d'une histoire policière sur le principe des frères jumeaux."


Leconte-Gotlib - " C'est pour cela que nous avons mis des triplés."


C'est à l'aune de ce dialogue de citations finales que l'on comprend vraiment ce qui semble à première vue un spoof-movie sympathique et sans grande prétention que hantent, magistraux, Jean Rochefort (Les Boeuf-Carottes) et Coluche (Inspecteur La Bavure), formant un parfait duo.
C'est une comédie méta, certes, qui cumule les femmes nues pour blâmer l'attrait de son temps pour la sexploitation triomphante, les démarrages difficiles de filatures en voiture pour railler la trop parfaite disponibilité du parking parisien pour les personnages de fiction, et tout stéréotypes et procédés à la mode des seventies. Mais cela ne saurait se réduire à cela: le film est un dialogue moqueur avec le genre du polar, de la forme au fond, du générique ganté aux épigraphes initiaux et désinentiels. L'équivalant filmique des règles déjantées du bon polar selon Borgès (ex: "le tueur n'est jamais le majordome, pas même dans un congrès de majordomes").
De là, des références moqueuses, dignes de certains épisodes de Sherlock: le singe du Double assassinat de la rue Morgue de Poe, l'analyse du chapeau du Dr Mortimer du Chien des Baskerville de Conan Doyle, le film étiré comme un accordéon entre le "Mais bon sang mais c'est bien-sûr !" de Bourrel-Coluche de début (ce qui est en soi déjà plutôt comique, étant une exclamation réservée au final dans les 5 dernières minutes) et le "Élémentaire, mon cher !" d'Holmes-Rochefort de la fin. Ces réponses du tac au tac du film à ses références littéraires et télévisuelles confine presque au poétique tout en nageant dans l'absurde le plus parfait quand une scène d'interrogatoire est transportée devant l'aiguille creuse d'un certain Leblanc (le repaire de Lupin n'est pas loin) pour interroger une bigoudène dans un passage à tabac tempétueux ... littéralement tempétueux ! L'orage verbal de ce genre de scène s'accompagnant de celui météorologique et métaphorique. Une belle trouvaille, dépaysante et hilarante: "Je vous avoue, patron, avec le bruit de l'orage, je n'ai rien entendu !"


En somme, Les Vécés étaient fermés de l'intérieur, c'est un peu la parodie des Petits meurtres d'Agatha Christie avant l'heure, quand Marcel singe Marius sans même le savoir !
C'est un ensemble savant de gags en trois cases de Gotlib porté à l'écran par le réalisateur des Bronzés, où l'auteur Roland Dubillard joue les Peter Sellers aux côtés de têtes connues de polars en tous genres: Robert Dalban (Fantômas, Les Tontons Flingueurs) et Patrick Guillemin (l'Inspecteur Fabre de Nestor Burma pour ceux qui aurait une culture plus francophile que celle des Simpsons).
Seul vrai défaut: les caméos de ces derniers sont bien courts et le jeu littéraire-cinématographique ne parlera pas à tout le monde.
Mais voilà une belle comédie qui sublime le spoof-movie et interroge le polar ! À voir, donc !

Frenhofer
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 22 août 2020

Critique lue 326 fois

6 j'aime

3 commentaires

Frenhofer

Écrit par

Critique lue 326 fois

6
3

D'autres avis sur Les Vécés étaient fermés de l'intérieur

Les Vécés étaient fermés de l'intérieur
Frenhofer
7

Les Petits meurtres d'Ah-Casse-toi Pousse-t'y: Mystère des toilettes closes à la rue Morve

Boileau-Narcejac - "Après tant d'autres, nous ne pouvons que répéter qu'il n'est plus possible, aujourd'hui, de baser l'intrigue d'une histoire policière sur le principe des frères...

le 22 août 2020

6 j'aime

3

Les Vécés étaient fermés de l'intérieur
shanghai
4

Critique de Les Vécés étaient fermés de l'intérieur par shanghai

J'avais vu ce film en 1976 à sa sortie en salle. J'étais, et suis toujours, un fan inconditionnel de Marcel Gotlib, et je ne pouvais, dès lors, laisser de côté un film auquel il aurait participé,...

le 18 oct. 2017

3 j'aime

Du même critique

Les Tontons flingueurs
Frenhofer
10

Un sacré bourre-pif!

Nous connaissons tous, même de loin, les Lautner, Audiard et leur valse de vedettes habituelles. Tout univers a sa bible, son opus ultime, inégalable. On a longtemps retenu le film fou furieux qui...

le 22 août 2014

43 j'aime

16

Full Metal Jacket
Frenhofer
5

Un excellent court-métrage noyé dans un long-métrage inutile.

Full Metal Jacket est le fils raté, à mon sens, du Dr Folamour. Si je reste très mitigé quant à ce film, c'est surtout parce qu'il est indéniablement trop long. Trop long car son début est excellent;...

le 5 déc. 2015

33 j'aime

2

Le Misanthrope
Frenhofer
10

"J'accuse les Hommes d'être bêtes et méchants, de ne pas être des Hommes tout simplement" M. Sardou

On rit avec Molière des radins, des curés, des cocus, des hypocondriaques, des pédants et l'on rit car le grand Jean-Baptiste Poquelin raille des caractères, des personnes en particulier dont on ne...

le 30 juin 2015

29 j'aime

10