Les Visiteurs - La Révolution : ma critique. (Avec de vrais morceaux d’amertume dedans.)

Introduction : La Révolution qui échoue (spoiler inside)


Quand on est un fan des Visiteurs, comme moi, à un tel point de fidélité, il est urgent de s’exprimer sur le dernier film, véritable séisme cinématographique. Et quand je dis séisme, ce n’est pas au sens de ‘révolution’. C’est au sens de ‘tout s’écroule, rien ne tient debout, on ressort avec de la suie de pellicule sur le visage, une commotion cérébrale et des gens ont disparu.’
Alors j’ai décidé que je consacrerai ma première critique ici à exorciser le mal qui me ronge depuis vendredi soir, depuis le visionnage de ‘Les Visiteurs - La Révolution’.
Il y a tellement à dire que je vais devoir structurer le propos. D’abord un commentaire pour dégrossir la critique. Surimpression générale, sur la trame, la présentation du film et tout ce qui s’en suit. Ensuite une critique du scénario. Ensuite une critique de l’écriture. Ensuite une critique de la réalisation. Ensuite une critique historique (là ça va faire mal). Et enfin, la grande question : pourquoi ‘Les Visiteurs - La Révolution’, calamitasse, est-il la onzième des plaies d’Egypte ?
Oui, je vais être dur. Je vais être très dur. Mais c’est justement lorsqu’on est fan qu’on attend le plus, qu’on s’investit le plus et que, finalement, on souffre le plus, qu’on se doit d’être intransigeant avec ‘l’œuvre’. Alors je vais être dur, non par vengeance, mais par déception et amertume. Pourtant je dois le dire d’emblée, j’ai encore foi en cette saga, qui a une telle force. Tout peut recommencer, et je vais le prouver en initiant, à la fin de cette critique, une cagnotte pour écrire un scénario alternatif et collectif de cet épisode.


1 / Impression générale


En gros, nos deux protagonistes réapparaissent là où ‘Les Visiteurs - Les couloirs du temps’ les avaient laissés. C’est à dire, en pleine seconde moitié de la Révolution Française. Seconde moitié, voire Terreur car on y trouve la présence d’un accusateur publique, fonction mise en place avec les tribunaux révolutionnaires de Danton à partir du 10 mars 1793. De plus, cette fin très ouverte nous donnait à voir le tout jeune général Napoleone Buonaparte, qui avait oublié son accent italien pour le film. Soit. Ca faisait une belle fin. On se disait que, forcément, la richesse des potentialités qu’offrait la Grande Révolution ouvrait de superbes perspectives sur la possible suite qu’en ferait Clavier et Poiré. Ce serait forcément grandiose. Et bien non. C’est un soufflet qui retombe, une espérance qui s’évanouit. C’est tout le contraire, où comment extirper à la Révolution Française tout son caractère magnifique (ce qui n’est pas un mince programme, croyez-moi).
Ce qui m’a le plus frappé, c’est que Clavier et Poiré aient dilapidé toute la forme identitaire des deux premiers films. Ce qui faisait sans doute la force, l’unicité, la colonne vertébrale des Visiteurs a été arraché. En guise de cœur artificielle, la sublime musique d’Eric Lévy, mal positionnée tout de mêm dans le film, arrive à garder ce monstre en vie. Au début, on se farcit d’emblée un résumé des deux premiers épisodes. Jusque là rien d’anormal. Mais voila, le texte est très très très mal écrit. J’insiste sur ce point car c’est la vérité et ça casse le rythme avant même que l’orchestre ait commencé à jouer. En plus de ça, on ne sait pas pourquoi, sans aucune légitimité, sinon celle de faire un clin d’œil qui sonne comme une invitation à une passe venimeuse, ce petit synopsis est organisé à la manière de ceux de Star Wars qui s’enfuit en perspective dans le noir. Pourquoi ? Personne ne le sait. Pomper les codes d’une saga cultissime alors qu’on en avait des superbes…Pourquoi ? Pourquoi alors que Star Wars est de la science-fiction américaine, et Les Visiteurs une fresque lyrique et poétique entre Moyen-Âge et réalité ? Pourquoi alors que le résumé de Star Wars s’enfonce dans le noir de l’espace intersidéral et que là, avec Poiré, cela ne s’enfonce dans rien. Simplement un fondu au noir inutile. Résumé loupé, dans le fond et dans la forme. Déjà, avant même que le film n’ait commencé, mauvaise idée.
Ensuite c’est parti. Les deux personnages apparaissent dans leur Château de Montmirail en 1124 (c’est noté sur une surimpression, inutile aussi). Ils ont vieilli, mais ça le fait. Ils traversent une forêt, se font attaquer par des malandrins de grand chemin. Seul point positif, le clin d’œil qui fonctionne, celui-ci, où Godefroy coupe la jambe d’un des brigands, faisant écho à la décapitation hilarante du premier film. Pourtant ici, à contrario, ce n’est point marrant. Le tout se veut une scène d’action alors que ce n’est pas du tout la spécialité de Poiré. La musique est affreusement mal calée, on ne rentre pas du tout dans le truc. Et tout ça pour s’apercevoir qu’en fait, il ne s’agit que d’un rêve. Oui, un rêve. A ce moment, vous vous dites que c’est le rêve de Godefroy, qui ne souhaite que retourner en l’an de grâce 1124. Non, pas du tout. C’est le rêve de l’un de ses lieutenants. Le mec est là, posé au coin du feu, en mode True Grit, on ne sait pas trop pourquoi. Immédiatement ici, première grosse déception pour les fans, c’est un illustre et gros inconnu. Où sont passé le fidèle Ganelon au casting si parfait et son compère Engueyrrand le balafré (pour vous servir) ? On ne sait point. Disparoite, calamitasse ! En plus de ça, le pourceau joue tellement mal. Je vous la fait courte : ‘Oh là là, où est donc partit notre seigneur ? Comment est-ce qu’on va pouvoir expliquer ça au Roi de France, Louis VI le gros ? Oh là là’. C’est bon, vous avez le ton ? Et bien évidemment, on se passe des beaux paysages, de la sublime musique qui faisait apparaître le Moyen-Âge qu’on aime, celui du Lavisse, dans les deux premiers films. Exit aussi les sous-titres d’un dialecte moyenâgeux qui avait tout son charme. Rappelez-vous : ‘Mon gentil chevalier Godefroy a bien mérité de son surnom du Hardi, c'est un banni très vaillant, il ne s'est point laissé à corps narre dire. De sa brave épée il a abrayé la tête d'un anglois abominatif’ (premier film, 1993, MERDE !). Passons notre chemin. Je ne vous parle même pas du roi sans charisme ni faconde digne des absurdes adaptations Hollywoodiennes des contes de Grimm. Je ne vous parle pas non plus de la pseudo-descendance du mage Eusebius, mi-Zaz mi-Bowie, maquillée comme une voiture volée. Imaginez…
Tout le film est du même tonneau. Les codes sont abandonnés. Sans identité, la production vogue à la dérive. Pas de beau générique. Un début alambiqué qui ne sert strictement à rien, pour finalement en venir aux deux comparses, coincés en 1793. Le script et le scénario sont raccord avec le résumé des deux premiers films lu au départ, c’est à dire très très très mal écrits. Je suis désemparé. Où sont donc les dialogues à la dynamite sociale que Clavier et Poiré mettaient dans la bouche de leurs personnages ? Où est le caractère critique de la société moderne ? Où sont les vannes qui fusaient toutes les 10 secondes ? Où sont le lyrisme et la subtilité du premier film ? Où sont l’hyperactivité et les grimaces de Jacquouille dans le second ? Où est passé la verve de Clavier, le charisme de Reno, les jump-cut, les accélérations, les fish-eyes et les faux raccords chers à Poiré ? Disparus dans les couloirs du temps. Pourtant, contrairement à bon nombre de critiques, je ne pense pas que ce soit un problème d’année de production. On dit partout qu’ils n’auraient pas du attendre si longtemps avant de s’atteler au troisième épisode, qu’ils ont trop vieilli, etc… Ca ne me choque pas, si les dialogues et le scénario étaient au rendez-vous, on aurait compris qu’ils attendâssent afin d’être content d’eux. Dans cette perspective, ils auraient mieux fait d’attendre encore 10 ans. Vous remarquerez que pendant tout le film, Jacquouille ne parle plus moyenâgeux mais un français de 2016 pur jus. Certes, il s’était approprié des répliques, alors il aurait été normal qu’il place son petit ‘okay’, ‘dingue’, ‘poufiasse’. Mais même pas. Non. On a le droit à du ‘niqué’, ‘c’est de la merde’. Piou Piou ! Voyez l’topo ?
Parce que niveau scénario, on est pas gagnant non plus. Tout en empêtré. On dirait que le film n’est pas structuré. On saute d’une scène à une autre, la seconde souvent plus inutile que la première. C’est décousu, les gags (si on peut appeler ça des gags) sont inutiles aussi, il n’y a pas d’incidence d’un moment du film sur le second. A part un début bringuebalant, l’essentiel du film se déroule à huis clos. C’est bien simple, on dirait une pièce de théâtre. Vous l’avez compris, c’est parti pour une critique du scénario.


2 / Comment a-t-on pu acheter un scénario pareil ?


Je vous le demande, parce que je ne trouve pas la réponse. Pas le gros pitch bien sûr, on le connaît : les deux comparses veulent changer d’époque et doivent retrouver l’enchanteur (ou sa descendance mi-Zaz mi-Bowie en l’occurence). Mais ce qui me choque vraiment, c’est le manque de cohérence entre les scènes. Comme si ce n’était que de petits sketchs découpés mis bout à bout. Au départ, ils s’échappent d’une prison, retrouvent la famille Montmirail qui est uniquement là pour caser tout le casting beauf bankable de France. On a le droit à la totale. Le Ary Abittan pas drôle qui pour une fois, fait un effort de jeu. Patrick Chirac qui revient du Camping des Flots-Bleus transformé en député modéré ou Girondin, on ne sait pas vraiment (d’ailleurs, en pleine Terreur, je vous met au défi de trouver un député modéré dans la Convention Nationale.) On a le droit à l’INSUPPORTABLE Alex Lutz, qui n’a rien trouvé de bien à faire depuis OSS 117 deuxième du nom. Ok je suis mauvais client, mais je fais un effort, je ravale ma colère. On fera avec ça, si ‘l’œuvre’ vaut son Louis d’or ancien. Déception, ça ne vaut même pas un clou.
Certains disent que l’époque révolutionnaire atténue la fracture temporelle, rétractant les possibilités de décalage et d’humour. Argument irrecevable. Tout cela se serait déroulé en 1789, j’aurais pu l’admettre. Mais là, c’est aucunement possible. On tombe en 1793. La France a basculé, les codes ont changé. La noblesse est en fuite, les temps sont troublés, les sectionnaires sans-culottes sont maîtres de Paris (d’ailleurs on nous explique tout ça au début de manière rocambolesque à base de timbales à la Howard Shore, où quand Poiré se prend pour Peter Jackson). Contrairement à ce que certains peuvent penser, la fin du XVIIIe siècle était riche d’innovations avant même que la Révolution n’ait commencé. Et en idée, nous vivons encore plus ou moins dans la même époque moderne instaurée en 1792. La fameuse phrase de Jacquard ‘On est en République bordel de merde !’ aurait aussi bien pu fonctionner. Bref, le décalage d’époque n’est pas fautif de la médiocrité du film. Il ne faut pas chercher des excuses à Poiré et Clavier.
La seule émotion qu’on éprouve devant ce film, c’est une profonde déception. Sinon, rien ne vient chercher nos sentiments. Alors d’accord Les Visiteurs de 1993 restent une comédie mais il y a tout de même des passages très émouvants dont le sens va plus loin que le vaudeville français. Notamment cette scène où Valérie Lemercier a les larmes aux yeux lorsque Godefroy repart pour son temps. ‘Embrasse tes enfants de la part d’un vieil ancêtre’. Ca frise le questionnement métaphysique de la filiation, du sens de l’Histoire de Walter Benjamin. Il y avait tout une vénération des âges qui passent, contrairement aux hommes. Une ode à l’hégémonie de la mémoire sur le temps. Dans ce troisième opus, exit tout ça. Pas de subtilité, pas d’enjeu. Il n’y a même pas de jeu entre les ancêtres et les descendant qui se reconnaissent ou se rejettent les uns les autres. C’est quand même ce qui faisait le sel des Visiteurs : le fait que chaque génération ne trouve pas l’autre digne d’elle. Il y avait notre procès à nous, modernes, face au temps et à l’héritage qu’on nous avait légué, toute l’allégorie du château qui s’hérite, se revend…Là rien. C’est a peine si Jacquouille et Jacquouillet se parlent. Il y a juste une scène ou Jacquouille haleine sur le nez piquant de son descendant. On sourit.
L’histoire est beaucoup trop sinueuse. Trop de personnages pour rien. Des scènes absolument pas nécessaires. D’autres totalement surréalistes, comme le moment, qui doit se vouloir drôle, j’imagine, où Jacquouillet cherche du lait pour Robespierre. Pendant 10 minutes, le gars fait le tour du quartier en hurlant qu’il cherche du lait. Je n’ai vraiment pas compris le pourquoi du comment. Et bien sûr, comme attendu, un rôle placard pour Marie-Anne Chazel qu’on ne savait pas trop où foutre. Elle est là sans être là. Elle n’a plus la mesquinerie et l’innocence de Dame Ginette, la clocharde.
Finalement, l’actrice qui s’en tire le mieux, c’est quand même Valérie Lemercier, puisqu’elle n’est pas dans le film. Le scénario est donc très médiocre. Indéniablement. Mais surtout, on se demande comment on a pu écrire ça.
(note : il faut souligner le petit tour malin qui fait de Godefroy celui qui propose Jacquard comme nouveau nom à Jacqouillet, bouclant ainsi la boucle. C’est assez astucieux.)
3 / Clavier et Poiré ont perdu la plume.


Ca aussi c’est indéniable. A quelle heure, le gars regarde son manuscrit et se dit ‘là c’est bon, je tiens un truc’. La verve particulière de Clavier qui faisait les grandes heures des salles obscures, des familles et des copains dans les années 80/90, c’est fini. Pas une vanne vaut le coup.
Et pour cause, Jacquouille n’est plus lui-même. Sa dimension clownesque n’est plus. Clavier n’a plus le jeu de jambe, il s’est empâté. Pas physiquement, cela importe peu. Mais le personnage l’a abandonné. Le regard luisant, qui suinte la connerie à venir, a disparu. Ses gestes incompréhensibles et spontanés comme siffler dans un téléphone ou planter un parapluie sur une entrecôte encore enrubannée de cellophane. Tout ça, c’est fini.
Certains ont dit que les vannes sentaient le réchauffé. C’est faux. Mise à part les répliques scatologiques, Clavier et Poirée ont tenté d’obtenir quelque chose de nouveau. Ils n’ont justement pas voulu refaire l’épisode I ou II. Ils ont voulu faire avancer l’histoire et ça, on doit le porter à leur crédit. C’était une belle ambition. De même que faire en sorte que Jacquouille évolue, comprenne peu à peu les vertus de la République, qu’il prenne conscience de sa propre existence et renie le servage. Mais alors, quoi ? Ca ne l’empêche pas de rester demeuré, si ?
Même remarque pour Jacquouillet, l’accusateur publique, petit-petit-petit-fillot de Jacquouille. A la fin des Visiteurs 2 - Les couloirs du temps (1998), on trouvait un petit roturier remonté par des siècles d’humiliation. Un Jacquard de la Révolution au nez pointu, à l’air hystérique, prêt à tout, expéditif et presque violent. En bref, un Jacquard poussé à l’extrême. Alors qu’est-il devenu dans ce troisième film ? C’est un carnage. C’est un petit bourgeois installé et ambitieux. C’est bien simple, on dirait le Joker Pingouin de Danny De Vito. Et Clavier joue exactement son rôle de Napoléon dans la série télévisée d’Yves Simoneau en 2002. Alors pas de scènes de pétage de câble, rien. Il est planté là, invisible. Alors qu’un autre pilier de la rhétorique des premiers films était le miroir entre les générations et surtout le caractère de chien d'un Jacquard pédant, avec un accent de la haute à mourir de rire.
Jean Reno est transparent. On assiste à la pire scène de malaise où Ary Abittan explique que son père avait l’honneur d’assister Louis XV lorsqu’il ‘chiait dans chaise percée.’ A quelle heure est-ce drôle ? A quelle heure le parlé de 2016 donne-t-il de la crédibilité au film ? On continue cinq secondes après avec une récidive dudit Abittan : ‘J’emmerde Robespierre, Danton et tous ces enculés du Comité de Salut Public.’ Très bien. Malaise de nouveau. Dans le noir de la salle, on se regarde avec mes amis, cherchant un sens à la scène qui se déroule devant nous.
Les autres acteurs ne crèvent pas l’écran, c’est le moins qu’on puisse dire. Petite mention malgré tout à Karine Viard, Sylvie Testud, et Pascal N’Zonzi qui rehaussent un peu le film par leur jeu. Mais la mauvaise écriture les empêche d’aller plus avant. Heureusement, on compte sur la réalisation de Poiré pour booster un peut tout ce petit monde fatigué.


4 / La réalisation dans tout ça ?


Pas plus glorieux. Tout la patte de Jean-Marie Poiré a disparu. Adieu les jump-cuts, les accélérations, les fish-eyes, les faux raccords et l’hyperactivité du montage. On a droit à un film mou, qui se laisse regarder comme on regarde un lac inamovible. Heureusement, ou pas, Clavier essaye d’en faire des caisses pour rehausser les couleurs.
Et en parlant des couleurs, on pourrait s’aventurer sur le terrain de l’étalonnage et des lumières. Catastrophe. Poiré n’a pas digéré la transition au numérique. Il aurait du rester à cette bonne vieille pellicule qui nous donnait de si beaux grains. La beauté des costumes fait cependant du bien à l’image. C’est un point positif que je rajouterai au crédit du film : les costumes sont vraiment somptueux, à défaut d’être tous d’époque. La costumière a vraiment bien bossé, sauf pour le Moyen-âge : on a déjà parlé du Roi qui a plus la gueule de la mascotte Burger King que celle d’un descendant Carolingien. D’ailleurs, on aperçoit le tombeau de Pépin le Bref et de Berthe aux grands pieds, je n’ai pas du saisir pourquoi. Ca doit former un ensemble cohérent avec les centaines de scènes improbables, inutiles et décorélées de l’histoire.
Certains plans paraissent même totalement amateurs, du ressort du court-métrage d’étudiant à la FEMIS. Et encore. Par contre, ce qui brûle les yeux, c’est la nuit américaine. L’enfer en image. Comment est-ce possible de cautionner ça ? Déjà quand c’est bien fait, je trouve ça insupportable. Mais n’est pas Hollywood qui veut. Ces scènes tournées en plein jour et recouvertes d’un filtre bleutée sont tout simplement horribles. J’avais l’impression d’être un soldat de la Wehrmacht à l’ouverture de l’Arche d’Alliance. Horribles je vous dis. Et vous pensez qu’on se parle de 5 petites minutes de film ? Aucunement, les nuits américaines totalisent presque la moitié des deux heures. La gerbe. Impossible de se concentrer sur le récit.
Sur les décors, un petit mot ? Caca. Oui, comme le disait si justement feu Jean-Pierre Coffe, c’est de la merde. Pas besoin de craquer des millions pour aller tourner à Prague pour finir dans un semi huis-clos où tous les décors sont affreux ou presque. Il suffisait de tourner dans le Marais ou autour de Saint-Michel. Cela nuit beaucoup au film. On n’y croit pas une seconde.
Ensuite c’est encore Poiré qui s’amuse avec le numérique. Il s’amuse mais ça ne nous fait pas rire. Les incrustations de personnages sont atroces. Même les plans larges sur le château des Montmirail ou sur les barrières du Paris révolutionnaire font mal à la rétine.
Comme je l’ai déjà dit, Poiré à également abandonné les codes visuels de la saga, et ça, ça ne pardonne pas. Où est le générique d’ouverture avec des images d’Epinal de l’Histoire de France ? Avec ce titre qui se déforme ? Avec les arrêts sur image à chaque noms, bloquant ainsi l’action de manière décalée. Où est aussi le générique de fin, accompagnée du Concerto pour violon et Orchestre mi-mineur qui crachait l’hyperactivité du film et enchaînait directement avec un Enae Volare sublime ? Sur fond noir impersonnel, on nous impose un remix spécial auto-tamponneuses que vous pourrait subir en suivant ce lien : https://soundcloud.com/editions-milan-music/enae-volare-remix-electro?in=editions-milan-music/sets/les-visiteurs-la-revolution-eric-levi . Heureusement, la piste ‘Le Chevalier de Montmirail’, même si c’est une pompe de l’OST de Robin des Bois - Prince des voleurs (produit 2 ans avant le premier opus des Visiteurs) rehausse un peu le tout.


5 / Patrice Gueniffey a eu un AVC devant le film.


Oui, cet historien de la Révolution que j’apprécie tout particulièrement a du frôler la mort au cinéma, si tant est qu’il ait vu le film. Niveau historique, c’est n’importe quoi du début à la fin.
Alors bien sur, les premiers films n’étaient pas non plus des films d’Histoire mais il y avait une volonté de rester assez fidèle, ne serait-ce que dans le parlé à une époque (en oubliant la présence d’un inquisiteur au milieu du Xe siècle). Il y a même des moments où les vannes avaient presque, je trouve, un caractère didactique.


Béatrice : Hub, le château est comme ça depuis le Directoire ?
Godefroy : Le quoi ?
Jean-Pierre (le mari dentiste) : Oh putain la vache !


Dans Les Visiteurs - la Révolution, ça part dans tous les sens. Ca commence avec Patrick Chirac qui est censé être député modéré à l’Assemblée ? Quoi ? Pardon ? En 1793-1794, il n’y a plus d’Assemblée. C’est la Convention Nationale. Et à la Convention, je vous met au défi de trouver encore des ‘modérés’ dont la tête n’a pas roulé dans le panier d’osier Place de la Révolution ( de la Concorde aujourd’hui).
Tout cela me peine énormément. La Grande Révolution est pour moi, le passage le plus passionnant de l’Histoire de France. Comme je l’ai déjà dit à certains d’entre vous (j’en profite pour faire ma petite pub) j’écris en quelque sorte une Histoire de la Révolution Française dont le premier tome devrait voir le jour cet été. Du coup, les erreurs historiques me sautent encore plus au yeux.
On dirait que Clavier et Poiré ont voulu foutre tous les grands personnages de la Révolution dans le film, simplement pour faire beau mais comme le casting principal, tous ces acteurs sont transparents. (Alors oui, Danton, Desmoulins, Barère et d’autres manquent à l’appel). Ces visages historiques donnent à voir des personnages sans relief alors qu’on parle de figures IMMENSES (j’écris en capitales pour que l’idée soit aussi visuelle) de l’Histoire de France. Mention spéciale à Nicolas Vaude qui offre tout de même, malgré la comédie et malgré une réalisation très moyenne, un Robespierre très convaincant. Même au niveau physique, le rôle lui convient parfaitement. On se demande dans quelles dimensions il aurait pu déployer son jeu avec un bon scénario et un bon réalisateur.
A part ça, pourquoi les Montmirail fuient-ils leur château en 1793 ? Je ris. Ca fait un bout de temps que tous les nobles ont désertés pour les armées contre-révolutionnaires ou la vie paisible de Londres, Bâlen Vienne ou Milan. Ils n’ont pas attendus 1793, plus d’un an après la proclamation de la première République pour prendre leurs jambes à leurs cous !
Ensuite, cette idée saugrenue de faire vivre tout le monde sous le même toit. Marat, sa femme Simone, Charlotte Robespierre, tout ça dans l’Hotel particulier d’un ci-devant. Là encore, c’est non. Robespierre, son jeune frère, sa sœur et certains de ses admirateurs vivaient tous au même endroit, chez le maître menuisier Duplay, rue Saint-Honoré. Alors pourquoi foutre Marat avec eux, et bien sûr au mauvais endroit ? Rien qu’en disant ça, on imagine facilement un scénario 1000 fois plus percutant et plus drôle. Imaginez un instant, Jacquouillet doit ramener son ancêtre Jacquouille, accompagné de Godefroy chez lui mais vit avec Robespierre, irritable et maniaque. Pas besoin d’imaginer un dîner inamovible de 10 minutes qui en paraissent 120 : on rentre tout de suite dans le dur.
Et pourquoi nous foutre un Couthon ventru ? Un Collot-D’Herbois avec une coupe afro ? A la limite Fouché n’est pas mal casté. Mais merci pour les vieilles répliques en mode prof d’Histoire de cinquième mal amenées du style ‘Oh regarde, c’est Fouché, le mitrailleur de Lyon’. Nom de Dieu ! Il y a quand même d’autres moyens pour amener des informations dans un récit, non ?
Parlons ensuite de la présence de Pascal N’Zonzi. Si son nom ne figure pas sur l’affiche (polémique stérile Made in France), il est bien présent dans le film. Je dois dire que c’est un des acteurs qui m’a le plus épaté. Il a une présence, il est là, il est assez drôle, il remplit bien son job. Par contre, il y a un abcès qu’il faut crever tout de suite, c’est la présence d’un Antillais à Paris en 1793. D’accord, il y avait de très bons rapports avec les élus des Antilles avec la Convention, surtout après l’abolition de l’esclavage, forcément. Mais il devait y avoir 4 blacks en France à cette époque et c’était plutôt des représentants des contrées d’Outre-Mer, pas des sans-culottes. Même si ça part d’une bonne intention, le fait d’injecter un acteur de couleur ici, ça sonne un peu clientélisme socialiste sur le retour. Genre : ‘on va mettre un black, comme ça on attirera un public issu de la diversité et on pourra pas nous traiter de racistes.’ D’ailleurs en parlant, de ça, on a trouvé le moyen de nous coller cette réplique dans le film, pour que la machination soit encore plus visible. ‘C’est un raciste !’ PARDON ? Mais à quel moment le gars s’est dit que la notion de racisme existait à cette époque ? Le racisme a été théorisé à la fin du XIXe (1853 si on veut vraiment tirer sur la corde) et la qualification de raciste n’est venue qu’au début du XXe. Mais bon, il fallait bien nous mettre un peu de moraline là-dedans. Chiant. En plus, le personnage joué par Pascal N’Zonzi est un sans culotte / garde national ? Oui et bien les gardes nationaux sont quand même, à la base, une milice bourgeoise. Mais bon, à force des années, cette garde s’est ouverte à des sans-culottes. Admettons. Bon du coup, heureusement que Pascal N’Zonzi joue bien, ça relève le niveau et sa dissimule un peu le mystère de la présence de se personnage qui, finalement, se révèle être, je trouve, le plus attachant de toute la petite troupe.
Il y a aussi les costumes d’Incroyables et Merveilleuses. Très beaux costumes, magnifiques. Bicorne au motif léopard avec pompons, robe style Empire transparente…Ah, j’ai dit quoi ? Style Empire ? Bien oui, le problème c’est que la mode des Incroyables et Merveilleuses a prise après Thermidor et la chute de Robespierre. Une fois l’Incorruptible ascète tombé, on est repartit dans tous les sens, pour profiter de ce dont on n’avait pu profiter depuis quelques années. Cette mode s’est évanoui au début de l’Empire. Anachronisme, encore une fois.
C’est comme l’ambassadeur des Pays-Bas qui se ballade dans une livrée typiquement Louis XV. Trente piges de retard, au minimum. C’est comme les toits Hausmanniens en tôle grise en pleine Révolution Française, alors qu’en réalité ils n’apparaitront que sous le Second Empire…


6 / Les points positifs, on va en trouver.


Sans surprise, ce sera la partie la plus courte. Les costumes, indéniablement. Le fait de s’intéresser à la Révolution Française. Le plaisir, malgré toute la déception, de retrouver nos deux héros. L’idée d’une fin ouverte, encore une fois, mais qui joue avec le running gag. Poiré et Clavier auraient pu se contenter de couper au moment où Godefroy aperçoit un drapeau à Svatiska flottant sur le toit de son château. Ca le faisait. Non, il faut avoir une fin poussive avec un Patrick Chirac qui revient encore sous els traits d’un chef de la résistance. On pourra excuser tout ça en comprenant que cette fin nous permet d’entrapercevoir le tout jeune Jacques-Henri Jacquard dansant sur de la musique américaine dans sa chambre. Et tant pis pour la cohérence faisant que sa jeunesse en 1942 lui aurait donné 51 ans en 1993, on n’est plus à ça près.
Point positif, le fait d’avoir osé faire quelque chose qu’un simple décalque du premier épisode. Malheureusement, la bonne volonté ne suffit pas à faire un bon film.
Conclusion


Je n’ai pas grand chose à ajouter. Pour le moment, je veux oublier ce film. Pour le moment, je vais considérer que Godefroy et Jacquouille sont morts en héros en tentant de fuir les geôles des soldats de l’an II. ‘Je vais en trancher deux et la meutes va se calmer’.
Porté par le succès de son ancienne production ‘Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?’, film exécrable réunissant tout ce que je déteste dans le cinéma français, Christian Clavier s’est trompé de voie. Il a cru que la voie de la facilité était la meilleure, il ne savait pas que ce qu’on aimait dans Les Visiteurs, c’était justement le casting réduit, les dialogues qui font mouches à chaque fois, les actions improbables de Jacquouille, la prestance de Godefroy, la fable des siècles vaincus par l’homme et le mystère inquiétant de la magie, des scènes de nuits et de la musique épique. Une question reste en suspens : où sont passés les 24 750 000 euros de budgets ? (10 000 000 euros pour le premier film). On a nous a servi un film indigne des Visiteurs. On le voulait ce dernier opus. Je le voulais. Mais pas comme ça.
C’est pourquoi je lance une projet participatif (le lien est à venir) pour réécrire le scénario entre fans. Faire de Les Visiteurs - La Révolution le meilleur de tous les films de la saga. Ce sera long, compliqué et dur, mais il faut savoir ce qu’on veut.
Celui qui lit cette critique peut se dire que c’est le fait d’un homme aigri. Il aura raison. Je suis aigri. Aigri par la déception qu’a provoqué la médiocrité de ce film que je pensais impossible.

GuilhemBarbet
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le 22 avr. 2016

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Guilhem Barbet

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