Les Yeux Hop'la !

Los Ojos Azlues de la Muneca Rota ou Les Yeux Bleus de la Poupée Cassée est un thriller horrifique espagnol aux accents de giallo réalisé par Carlos Aured et sorti sur les écrans en 1974. Pour l'occasion le réalisateur de L'Empreinte de Dracula et La Vengeance de la Momie retrouvait son acteur fétiche et superstar du cinéma bis espagnol Paul Naschy pour un tournage qui visiblement se serait entièrement déroulé en France.

Le film nous raconte l'histoire de Gilles un type un peu bourru, vagabond et solitaire à la recherche d'un travail. Après avoir été pris en stop par une femme il accepte de de venir travailler pour elle dans la maison ou elle réside avec ses deux autres sœurs. L'homme se retrouve jardinier et homme à tout faire au sein d'une sororité qui est loin d'être insensible à ses charmes. Des crimes atroces surviennent alors faisant de Gilles un suspect d'autant plus idéal que son trouble passé refait surface...

J'ai commencé à regarder Les Yeux Bleus de la Poupée Cassée comme je le fais souvent sans trop savoir ce dont parlait le film avec juste l'attrait de son joli titre. Et pour être tout à fait honnête durant la première grosse moitié du film j'ai continué à me poser cette même question, mais de quoi parle ce truc. Il faut dire que durant 45 bonne minutes on se retrouve juste avec un étrange film vaguement érotique qui ne parle pas de grand chose avec juste le charmant et charmeur Paul Naschy qui fait craquer toutes les demoiselles surtout quand il fend du bois torse nu. On sent que le film coécrit par Paul Nashy lui même lui réserve un rôle calibré et sur mesure de brun ténébreux et musculeux .Le trio de sœurs est suffisamment étrange pour attiser la curiosité et que l'on ne s'ennuie pas trop avec la première en fauteuil roulant souffrant d'un mal inconnu, la seconde avec un bras handicapé et une main artificielle et la troisième qui est une rousse volcanique et légèrement nymphomane. Forcément toutes vont plus ou moins essayer de faire des galipettes ou tomber amoureuse de ce mâle mystérieusement tombé du ciel, ce qui est loin de constituer une trame scénaristique des plus palpitante. Fort heureusement après trois quart d'heure on découvre qu'un tueur pointe le bout de son couteau et tout de suite le film prend enfin une toute autre dimension.

Une fois tardivement mais solidement installé dans sa mécanique de giallo le film de Carlos Aured devient tout de suite beaucoup plus attrayant. Le meurtrier ganté utilise hachoir, couteau et griffe de jardinage en prenant assez systématiquement pour cible de jolies blondes dont il arrache les yeux bleus afin de les mettre en bocaux. Les meurtres sont systématiquement accompagnés d'une entêtante et douce mélodie contrastant avec la violence des images et qui n'est autre qu'une variation mélancolique de la comptine Frère Jacques. L'association comptine/berceuse mélancolique et horreur a largement fait ses preuves et c'est une nouvelle fois diablement efficace, bien plus en tout cas que l'autre boucle musicale qui ressemble à une mélodie légère de comédie française des années 70 et que l'on retrouve ici y compris pour accompagner des scènes dramatiques. La mise en scène de Carlos Aured joue merveilleusement de décors inquiétants baignés de jeux d'ombres et de lumières offrant à son récit quelques séquences digne des meilleures Giallo italiens. L'enquête pour retrouver le mystérieux tueur est relativement bien construite le film ayant parsemé son intrigue de nombreux suspect potentiels et personnages suffisamment troubles pour être accusés à tort ou à raison. Les Yeux Bleus de la Poupée Cassée prend ainsi une dimension plus dramatique à mesure qu'il avance jusqu'à une double révélation finale certes assez prévisible mais cohérente, bien construite et étrangement émouvante.

Même si il souffre d'une bien trop longue mise en place Les Yeux Bleus de la Poupée Cassée est un bel exemple de l’influence du giallo sur l’Europe du cinéma bis. Une fois passé sa première moitié le film de Carlos Aured n'a plus rien à envier aux plus belles réussites du genre. En espagnol Giallo se dit Amarillo ...