Dans le club de rock de Leningrad du début des années 1980, la musique occidentale est retenue prisonnière : autorisation de jouer, mais interdiction de s'amuser. Au cœur du paradoxe, c'est un curieux groupe d'artistes qui nous est proposé. Ce club, qui semble être l'unique refuge de la New Wave russe, tous les musiciens les plus emblématiques de la période y sont regroupés (contre tout bon sens historique) dans une ambiance feelgood et hippie trompeuse qui n'a pas manqué d'attirer les foudres du "grand-père du rock russe" ici représenté, Boris Grebenchtchikov.
Je m'en doutais, mais ainsi tombe à l'eau mon idée de présenter le film comme un biopic qui ne se met pas de limites de créativité. J'imagine qu'il doit être plus facile d'y voir une œuvre de fiction si on ne se fascine pas pour son sujet lui-même, à savoir l'émergence et le succès de groupes comme Akvarium ou Kino malgré la répression de la culture étrangère en URSS. Malheureusement, c'est mon cas, et si j'ai adoré entendre la musique de Viktor Tsoï dans cet étonnant mash-up semi-historique qui tente véritablement de reproduire un "truc" qui s'est produit dans la culture russe grâce à eux, mon esprit critique est plus partagé.
Voir représentée l'avant-garde de la New Wave russe, sa musique et son histoire au cinéma, c'est un plaisir. Mais pour qui aime vraiment ces groupes et le contexte derrière leurs paroles, c'est un déchirement de voir que les artistes qui ont le plus inspiré le film de Serebrennikov le méprisent, et un dilemme d'admettre qu'il n'est effectivement pas le reflet d'une révolution culturelle, mais plutôt de son illusion. Et Tsoï alors, aurait-il aimé Leto ? Allez, j'opte pour le paradoxe : j'ai beau argumenter qu'aimer le film interdit d'aimer la musique russe... j'aime les deux.
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