Plus j’explore l’œuvre de Richard Quine, plus je la trouve grande et passionnante.
Passionnante en particulier pour la récurrente mise en relation d’un double trouble, sexuel et professionnel.
Chez Quine il est toujours question de sexe, sentiment toujours planant au-dessus des personnages, mais c’est aussi et souvent l’élément clé de l’intrigue de ses films. Et il y a toujours un mouvement allant du pur désir sexuel, de la pulsion, à la passion amoureuse.
A première vue, on pourrait trouver son travail puritain, ou du moins faussement libertaire, si on se limite à lire ses films dans ce sens unique, de la grivoiserie sous-jacente des images vers une rondeur plus facilement « acceptable » pour la société. Mais le travail d’écriture et surtout de mise en scène évite ce basculement trop facile, les rapports entre les personnages étant éminemment plus complexe et variables.
L’autre élément récurent c’est la condition professionnelle. Cette transgression morale, sexuelle, s’accompagne souvent d’une transgression professionnelle et artistique sans que ne soit réellement déterminé quel mouvement entraine l’autre.
Par exemple l’architecte de Suzy Wong quitte tout pour partir à Hong Kong et faire ce qu’il a toujours voulu faire, peindre. Il rencontre alors Suzy, star d’un bordel, qu’il choisit comme modèle, avant d’être attiré sexuellement vers elle puis de tomber amoureux. Mais difficile de savoir s’il parvient à se libérer, s’accomplir, à trouver sa voie professionnelle, passionnelle, et artistique parce qu’il rencontre cette jeune fille, ou s’il la désire en vue de s’accomplir lui-même, ou encore s’il la désire car lui-même parvient à trouver une certaine osmose avec lui-même. Il ressort de cette volontaire imprécision dans le regard du metteur en scène quelque chose de beaucoup plus moderne et intéressant que ce que l’on pourrait envisager.
Stranger when we meet reprend cette ligne théorique, mais le cinéaste l’adapte cette-fois ci non à une comédie ni comédie romantique, mais à un mélodrame. Enfin plutôt un drame romantique, dont la modernité, l’imagerie et le traitement scénaristique est cependant plus proche des mélos de Delmer Daves que de ceux de Sirk. Ne serait-ce que le travail sur la couleur et les vêtements. A ce titre l’utilisation qu’il fait du rouge est très belle, déplaçant le désir d’un personnage à l’autre.
Quine est tout aussi à l’aise avec ce registre qu’avec la comédie. Le postulat est pourtant simple, une simple histoire d’adultère entre un architecte (Kirk Douglas) et une femme au foyer (Kim Novak, actrice fétiche du cinéaste, et encore une fois géniale). Mais le cinéaste magnifie cette histoire en faisant graviter des foules de détails tout autour, des personnages secondaires, des traits de caractère ou physique. Le génial « comment vous faites pour raser ça ? » de Novak qui met son doigt dans la fossette au menton de Kirk Douglas, est un exemple parmi tant d’autres.
Encore un superbe film.
Teklow13
9
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le 14 juin 2014

Modifiée

le 14 juin 2014

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Teklow13

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