Le crépuscule des mutants

Les productions marquées du sceau de Marvel sont aujourd'hui bien installées dans le paysage cinématographique. Machines rutilantes, où chaque bande-annonce fait office de carrosserie lustrée au Polish comme le prouve encore celle de Thor Ragnarok, les mutants ont parcouru bien du chemin depuis la porte ouverte avec brio par Bryan Singer en 2000. L'univers Marvel ne respectait pas encore les codes du divertissement que s'imposent ces productions depuis qu'elles s'imbriquent et se succèdent dans un immense engrenage qui fait du MCU une espèce de série cinématographique. Aseptisés pour plaire au plus grand nombre et engranger moult bénéfices, je me suis rarement enjoué devant les épisodes de ces différentes "phases". Malgré quelques plaisirs assumés (Avengers, Les Guardiens de la Galaxie), il n'y a que le premier Thor, bodybuildé de tous ses défauts, pour lequel je développais une véritable sympathie. On sentait quelque chose, une atmosphère différente sous la caméra de Kenneth Branagh. Et c'est ce même sentiment d'originalité au sein de la galaxie Marvel qui m'a accompagné tout au long de Logan.

James Mangold fait parti à mes yeux de ces bons réalisateurs (mais sans plus) à l'image de Copland, d'Une vie volée, d'Identity ou de Knight and Day. Quant à notre héros, malgré les deux précédents opus, c'est le premier film qui lui est dédié qui me tente vraiment. Peut-être grâce à son titre affilié à l'industrie automobile roumaine ? Délaissez la légende Wolverine, faites entrer...
Logan.
Un titre qui veut tout dire ? L'homme et ses failles derrière le héros ? Fini la poudre aux yeux, les courbes félines pour masquer l'absence d'une cylindrée digne de ce nom ? Marvel serait-il pour une fois simple et authentique, délaissant les finitions chromées pour se concentrer sur le but essentiel de sa machinerie ?
Et bien oui ! Et c'est tant mieux.

Logan (le film) tranche (et c'est peu de le dire) dans l'habituelle mécanique à la mode estivale du blockbuster. Ici, tout n'est ni rose, ni simple et James Mangold réussit à raviver quelques souvenirs, me faisant remonter des années en arrière, à cette époque où le divertissement fantastique atteignait des sommets de classe sous le regard d'un réalisateur qui y injectait toute son âme (ça commence par "T" et ça finit par "2"). Hugh Jackman et son squelette d'Adamentium sont à l'image de ce héros à l'ossature métallique qui a tant marqué ma jeunesse (ça commence par "T" et ça finit par "800") et certaines notes de la B.O me le rappelle expressément. Inspiration volontaire ou simple coïncidence ?
Quoiqu'il en soit, comme la vision d'un futur inattendu, "Logan" pourrait être l'admirable conclusion d'une franchise à la qualité bridée par sa propre continuité. Certes, on reste dans le divertissement mais cette longue traque aux allures de requiem se pare d'une identité désabusée pour nous délivrer ce qui s'apparente aux ultimes sursauts sanglants des fers de lance d'un groupe de héros disloqués.
Et aucun autre X-Men ne pouvait mieux s'acquitter de cette tâche que le rebelle malpropre et irrévérencieux de la bande. Logan (le mutant) survit, salement, sans envies. Il s'acquitte de ses obligations et fuit irrémédiablement son identité de super-héros. Logan (le film) ne fait pas dans la dentelle et jamais film estampillé Marvel n'a autant fait dans l'hémoglobine ce qui n'est pas pour me déplaire. La vie, que ce soit la sienne ou toutes celles qu'il prend, n'a ici que très peu de valeur jusqu'à l'arrivée de cette jeune mutante dont la rage captivante est inversement proportionnelle à son mutisme.
Sans rien révolutionner mais avec une originalité agréable au sein du macrocosme Marvel, on embarque dans ce road trip rédempteur qui maintient son rythme entre affrontements hargneux et calme apparent sur les visages fatigués aux relents d'héroïsmes de nos X-Men torturés.
Alors, je dis oui !
Logan est un film qui tient la route pour nous amener à...