Il faut bien reconnaître que Logan occupe une place particulière au sein de la franchise cinématographique X-Men : d’abord de par son statut cristallisant la complexité chronologique de cette dernière, qu’invoquent les multiples films et leur ligne temporelle propre, ensuite au regard de sa nature hors des habituels sentiers qu’empruntaient ses aînés.


Et c’est bien sur ce point que le second opus réalisé par James Mangold se distingue, au point de nourrir un consensus positif là où Le Combat de l’Immortel avait indéniablement échoué, quand bien même celui-ci serait à mon goût dramatiquement sous-estimé ; un fait dénotant au regard du contexte et de l’accueil qu’a suscité Logan, car au bout du compte, je flaire ici un long-métrage un chouïa surestimé... en dépit d’une originalité patente.


Trois éléments marquent de leurs griffes cette dernière, la première étant le ton du récit : délaissant en ce sens les aspirations héroïques des précédents volets, Logan confère un cadre crépusculaire et pessimiste aux dernières tribulations de Wolverine, ici méconnaissable. Chaque parcelle du long-métrage transpire un état de dégénérescence maladive, le corps usé de l’iconique mutant faisant écho à l’extinction progressive de son genre, une situation dont l’origine insidieuse est indiciblement plus perturbante que celle de Days of Future Past. Charles Xavier abonde également en ce sens, à un niveau différent : jouant en ce sens sur de simples mentions, supports évocateurs comme bouleversants d’un drame passé incommensurable, le long-métrage effleure avec délicatesse la thématique de l’acceptation de soi et de l’autre, pourtant redondante.


Ensuite, un second élément plus criant, tape-à-l’œil mais intéressant de par son unicité au sein de la franchise : l’usage de la violence. Non pas que Logan soit le seul à en faire preuve, mais de l’application timorée et grand public des précédents films à celle-ci, que l’on qualifierait volontiers de jusqu’au-boutiste, l’écart de traitement est des plus conséquents : ici, l’affiche est donc tenue par un Wolverine vociférant à tue-tête, tailladant, tranchant et liquidant du larbin à tour de bras, établissant de la sorte un contraste éloquent vis-à-vis de sa fatigue, comme si son sursaut de rage et de volonté faisait écho à un perte de civilité prégnante. Pleinement servi par un visuel sans concession, cette sauvagerie bouillonnante fait honneur au personnage original, ce qui n’est pas pour notre déplaisir, mais l’on regrettera que le long-métrage fasse littéralement preuve d’excès de zèle : perdant ainsi peu à peu en teneur, cette ultra-violence (à l’échelle d’un produit X-Men) est clairement desservie par l’abondance de ses séquences brutales, illustrant par la même occasion la construction linéaire de l’intrigue.


Enfin, un troisième point intimement lié aux aspirations qu’entretient Logan, tant sur le plan du long-métrage que de son protagoniste éponyme : comme tout un chacun le sait, Hugh Jackman tire ici sa révérence, et son alter-ego mutant par la même occasion. C’est ainsi que le rideau tombe, et marque un tournant nullement anodin au sein d’une filmographie indissociable de ce dernier : chemin faisant, couplé à une ambiance sans équivoque quant au déclin d’un univers familier, le film dépeint une personnalité confrontée à l’ultime étape de son voyage, la plus difficile et personnelle qui soit, celle de la rédemption comme clé du repos de l’âme. Et dieu sait que celle-ci était aussi mal en point que le physique déliquescent de son sujet, mais l’on ne s’étonnera pas que le film en rajoute avec la dimension filiale que recèle Laura : mais au-delà d’un certain conventionnalisme, pour ne pas dire un esprit novateur en berne, force est de constater que ce ressort rehausse grandement l’impact du devenir de James Howlett, et que Logan conclut d’une bien belle manière ses tribulations séculaires.


Alors, oui, le film est magnifique, qu’il s’agisse de sa photographie aride ou son intrigue sombre ; oui, Hugh Jackman s’en va avec panache, fort d’une interprétation irréprochable, tête de file d’un casting tout aussi probant (Dafne Keen est une révélation en bonne et due forme) ; et oui, voilà une œuvre qui fait et fera date au sein d’une franchise tentaculaire, dont le premier jet n’en restera pas moins un précurseur dans le microcosme super-héroïque sur grand écran. Une figure à part donc (il est délicat de la cataloguer en tant que tel dans ce carcan), dont la réception (à forte tendance dithyrambique) souligne-t-elle une composition exempte de tout reproche ?


Non. D’abord au regard de cette fameuse place qu’occupe la violence, libérée et exacerbée dans des proportions malheureusement excessives, faisant de notre héros ambiguë et sa progéniture des meurtriers enragés ; victimes directes de leurs griffes, les Reavers représentent un antagonisme à la maigreur tragique, tandis que le petit chef Pierce n’est rien de plus qu’un concentré d’archétypes lassants (que dire du Dr Zander Rice) ; enfin, Logan ne parvient pas à se départager d’incohérences agaçantes, une pléiade actes contredisant les faits (dont voici les exemples les plus parlants) :



  • Rice souhaitait faire euthanasier les mutants du projet « X-23 », alors pourquoi les Reavers s’échinent-ils à les attraper à mains nues ?

  • Et puis bon, quitte à vouloir agir de la sorte, l’usage de tranquillisants n’est pas une légende urbaine à ce que je sache.

  • S’ensuit donc des mises à mal (voire à mort) de Reavers volontaires mais stupides, des mains des jeunes mutants : des séquences peu utiles, ajoutant à la violence débordante du film.

  • Parlons-en de ces derniers : pourquoi s’emmerder à détaler comme des lapins quand l’utilisation de leurs pouvoirs suffirait à se débarrasser de leurs poursuivants ? C’est bien de dresser Rictor comme tête pensante du groupe, mais il ne pouvait pas songer à une tactique ce petit malin ? (J’exagère un peu, mais tout de même).


Bref, ces quelques erreurs viennent entacher les prétentions qualitatives de Logan, échouant de la sorte à me le faire considérer comme une véritable claque. Mes attentes étaient peut-être un poil trop hautes, et il faut malgré tout convenir de sa profondeur intrinsèque : car s’il ne s’impose pas comme le meilleur des films X-Men, le travail de James Mangold demeure en tous points le plus singulier (et donc le plus intrigant) d’une franchise n’ayant pas dit son dernier mot.

NiERONiMO
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le 29 août 2017

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NiERONiMO

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