"Why can't we give love that one more chance?"

J'aurai donc vu deux films belges au cinéma. C'est deux de plus que l'année dernière, et l'année précédente, et encore celle d'avant...
Une ouverture rafraîchissante à un autre type de cinéma, un autre regard, et que je suis aujourd'hui prête à apprécier dans son ensemble, et que je suivrai avec assiduité dorénavant.


D'un point de vue structure, "Lola vers la mer" est un film qui ne révolutionne rien et reste plutôt dans les classiques du road-trip où deux personnes se rapprochent par proximité forcée, sans rien ajouter de particulier, mais il le fait plutôt bien. Il s'agit d'un schéma classique qui aurait pu convenir à nombre d'autres thèmes, mais qui convient très bien pour aborder la question de la transidentité au sein de la structure familiale.
L'histoire est très simple à suivre, avec un excellent rythme des situation-tensions-résolutions et on ne voit pas du tout le temps passer. C'est fluide, bien joué et intéressant. Certains plans sont même de toute beauté, et j'ai énormément apprécier la cinématographie, le cadrage et le montage de manière générale.


Plus que tout, j'ai particulièrement apprécié le ton employé pour traiter de son sujet. Pas trop sombre, pas trop joyeux, juste la bonne mesure de réalisme tout en gardant un côté optimisme. Avec le thème de la transidentité, il serait, j'imagine, très tentant de n'y montrer que les difficultés et l'incompréhension pour renforcer l'aspect dramatique, mais l'actrice principale et son caractère apporte une lumière bienvenue, et même nécessaire.


Certes, les réactions et paroles très transphobiques du père de Lola révoltent, mais les réactions de la jeune fille transgenre viennent rétablir l'équilibre. La honte du père qu'il tente de transmettre à sa fille viennent s'écraser sur la colère et la tristesse de la jeune fille de voir son père la rejeter pour ce qu'elle est, mais avant tout sur sa conviction inébranlable qu'elle a fait le bon choix de vie, et qu'elle est une femme. Elle ne se laisse pas faire, elle répond, elle cogne aussi, elle met les choses aux claires une bonne fois pour toutes. Ce n'est pas le fait qu'elle soit transgenre qui a brisé sa famille, mais la réaction de ses parents, et de son père en particulier, qui voulait lui donner toute l'aide pour surmonter ses problèmes et ses angoisses, sauf celle dont elle avait réellement besoin.


La scène de fin a un côté déchirant, même si une porte est ouverte à l'optimisme. Il suffirait de quelques mots de son père pour réparer tellement de choses, pour combler tellement de douleurs. Mais le film nous rappelle aussi que malheureusement quelque part, les parents sont aussi des êtres humains comme les autres, et qu'ils ne sont pas tous aptes à ne pas projeter leurs frustrations et leurs échecs sur leur enfants. On comprend le personnage du père, mais on n'accepte pas pour autant la façon dont il traite sa fille, alors qu'il a toutes les cartes en mains pour qu'ils redeviennent une famille.


Du côté de la narration, "Lola vers la mer" privilégie les silences et les non-dits. Le film n'a pas pour but de montrer en détails le parcours des personnes transgenres, de faire des longs discours sur l'acceptation et la nécessité d'une transition dans la plupart des cas, ou de montrer la transidentité sous un jour sombre. Il montre beaucoup de lumière dans la façon dont Lola s'affirme face aux autres, sans baisser la tête, à la pharmacie, avec la réceptionniste ou lors de sa discussion avec son père à la fin au restaurant à la mer, et par plein de petits choses qui montrent qu'elle est qui elle est, et qu'elle n'est aucune honte à ressentir par rapport à elle-même, et que ce sont les autres qui devraient être honteux de la rejeter ainsi en basant sur des préjugés éculés, que ce film cherche d'ailleurs à enterrer.


J'ai aimé "Lola vers la mer" parce que ce n'est pas un film sur la transidentité. C'est un de ses aspects, mais c'est aussi un film sur l'affirmation de soi, sur le dialogue, sur le temps qui passe inéluctablement, sur la famille, le deuil, et plein de petites choses qui font la vie. La transidentité de Lola dans le film, de Mya Bollers dans la vie, et de toutes les personnes transgenres de manière générale ne représente pas toute la vie et toute l'identité de ces personnes, simplement un passage, souvent très difficile à surmonter, et duquel ils et elles en ressortent plus forts de l'autre côté, pour enfin exprimer qui ils et elles sont vraiment.


Un film tendre, réel et nécessaire, qui aide à transposer la transidentité dans la vie de tous les jours, comme quelque chose qui n'est ni honteux, ni ridicule, ni un cliché, et qui au contraire participe à la richesse de l'humanité.

Therru_babayaga
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le 15 déc. 2019

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Therru_babayaga

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