La justesse qu’atteint Lola Vers la mer résulte de la prestation de ses deux acteurs principaux, Benoît Magimel et Mya Bollaers, remarquables dans leur rôle respectif de père bourru et de jeune femme transgenre, tous deux bouleversés par la disparition de la femme de leur vie – épouse et mère – qui les accompagne dans leur voyage sous la forme d’une urne contenant ses cendres. Et si le personnage campé par Benoît Magimel bouleverse autant, c’est en raison de son déchirement intérieur, un déchirement entre incompréhension viscérale et amour sincère mais entravé, les deux sentiments s’affrontant sans jamais triompher l’un de l’autre. Grâce à lui, le film quitte son aspect démonstratif, dépasse les lourdeurs d’une mise en scène tantôt trop clipesque tantôt trop plate, pour atteindre quelque chose de beaucoup plus délicat et difficilement représentable, un trouble insurmontable qui prend sa source au plus profond de l’être.


La sexualité de son enfant agit en lui comme un fracas, pareil aux coups de tonnerre qui jalonnent son parcours et qui revêtent d’ailleurs, avec d’autres éléments, une portée symbolique. Les perturbations atmosphériques, l’appareil qui chauffe et met le feu au véhicule, les étoiles que la famille regardait jadis depuis son télescope, tout cela ne ferait-il pas signe vers un là-haut, vers la mère devenue constellation ? Film sur deux corps inconciliables, Lola Vers la mer est également un film sur le langage, sur la communication douloureuse entre un père et son enfant qui doivent décider de l’avenir tout en comblant les fissures qui fragilise leur relation, en s’efforçant de recréer un passé ensemble. Pourquoi tu fais ça ? Tu as une copine ? T’es lesbienne, gay, hétéro ? Je ne comprends pas. Des questions d’une simplicité désarmante qui révèlent l’errance de Philippe, son incapacité à rattraper le temps perdu et à discerner la crise identitaire que traverse – qu’a toujours traversée – Lola.


C’est un film sur le deuil, deuil de la mère et deuil symbolique de la fille décidée à devenir un fils. Nul hasard, par conséquent, si le titre joue sur le mot « mère », dont il invente une forme au singulier (« mer ») comme trouble devenu horizon commun.

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le 17 juil. 2020

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