Lee Chi-Ngai n’est pas le réalisateur de Hong Kong le plus connu, même des passionnés du cinéma de l’ex-colonie britannique. Ce n’est pas non plus le plus prolifique puisqu’en 35 ans de carrière, il n’aura réalisé que 13 films. Pourtant, sa carrière est des plus intéressantes. On y trouve par exemple le joli petit succès au box-office de 1995, Doctor Mack, aussi appelé Mack The Knife, production UFO artistiquement réussie, basée sur le manga Dr. Kumahige de Buronson et Takumi Nagaysu. L’année suivante, il enchaine avec le film qui va nous intéresser aujourd’hui, Lost and Found, qu’il coproduit, scénarise et réalise et qui partage un certain ton avec son film précédent, mais aussi avec le Chungking Express de Wong Kar-Wai. Une comparaison au demeurant des plus flatteuses mais qui lui valut à l’époque certaines critiques de la profession et du public. Pourtant, très ancré dans son époque, Lost and Found est une jolie romance douce-amère, mélancolique, mais remplie de moment de légèreté empreints de poésie.


En effet, cette coproduction Golden Harvest / UFO a pas mal divisé à sa sortie au point que certains l’ont considéré comme le film de Hong Kong le plus controversé de 1996. Certains lui ont reproché son personnage principal, atteint de leucémie (une thématique pas très gaie, il est vrai) et donc à priori quasiment déjà condamné. D’autres ont souligné le fait que le film opposait sommairement des gens riches et beaux d’un côté, et des gens abimés et quelque part malheureux de l’autre. Sans parler du rôle relativement important de Michael Wong, à fond dans son anglais / cantonais, qui quitte Hong Kong pour s’installer en Ecosse. Et ça, à l’approche de la rétrocession l’année suivante, ça n’a pas forcément été vu d’un bon œil. Mais surtout, beaucoup ont vu dans Lost and Found un ersatz du Chungking Express de Wong Kar-Wai, avec par exemple cette insouciance des personnages (du moins en apparence pour certains). Il y a également cette voix-off omniprésente, ou encore cette chanson en anglais de Leonard Cohen qui revient à intervalles réguliers (comme dans le film de Wong Kar-Wai et l’omniprésence du tube California Dreamin’ de The Mamas & the Papas). Mais lorsqu’on regarde le film, on constate vite que, malgré un effet clipesque en début de film et un pour le final (le noir et blanc qui devient couleur), la mise en scène de Lee Chi-Ngai se détache vraiment de celle de Wong Kar Wai, remplie d’effets visuels dans Chungking Express, mais au style très réaliste et discret pour Lost and Found. Ici, le réalisateur cherche à trouver l’équilibre entre réflexion quasi philosophique et réalité, l’équilibre entre espoir et désespoir, l’équilibre entre romantisme et réalisme. La mise en scène est au service des personnages, Lee Chi-Ngai préférant de longs plans sans coupes pour les laisser vivre dans le cadre plutôt qu’on montage haché à base de champs / contre-champs comme on le voit souvent. La photographie est très soignée, aidée par de superbes paysages lors du passage en Ecosse, très naturelle comme si, une fois de plus, il était nécessaire de laisser les personnages faire les choses, sans chercher à modifier de façon artificielle quoi que ce soit.


Lost and Found comporte de nombreux moments de légèreté, voire d’humour (comme lorsque Kelly Chen imagine Michael Wong en artiste de cirque), parfois empreints de poésie. Mais bien que cette légèreté règne une bonne partie du film, c’est parfois vers la mélancolie que le film à tendance à pencher, une mélancolie et un côté doux-amer appuyés par une bande son qui va dans ce sens. L’accompagnement musical du film est d’ailleurs très bon, nous embarquant au milieu de ces personnages abimés par la vie. Mais à aucun moment cette romance ne tombe dans le mélo pur et dur. C’est plein de tendresse, on est ému, oui, mais jamais on ne cherche à nous tirer des larmes. On a l’impression que ça tient à garder ce ton du début jusqu’au plan final de la photo, une fin qui clôture parfaitement ce regard parfois un peu philosophique sur la vie, sur la mort, sur les gens de la classe inférieure de Hong Kong. La relation entre les personnages de Takeshi Kaneshiro et Kelly Chen est toute mignonne. Il y a une réelle alchimie entre les deux acteurs. Kaneshiro est une fois de plus excellent, ce personnage un peu barré, plein de naïveté, désespérément bon, retient clairement l’attention. Kelly Chen, malgré son inexpérience à l’époque (c’est son 3ème film), arrive à tenir ce premier rôle de personnage à la fois mélancolique et plein d’espoir. Elle qui pourtant est souvent considéré comme une mauvaise actrice trouve ici un de ses plus beaux rôles. Michael Wong fait du Michael Wong, c’est pour ça qu’on l’adore ou qu’on le déteste. Mais le voir ici, toujours avec son anglais / cantonais, en Ecosse, en kilt et jouant de la cornemuse, ça a une saveur particulière. Ils sont épaulés par une jolie brochette de seconds rôles, certains encore novices à l’époque mais qui auront une longue carrière, comme Cheung Tat-Ming, Jordan Chan, Josie Ho, Maria Cordero ou encore Moses Chan. A noter de tous petits rôles de plusieurs réalisateurs amis de Lee Chi Ngai comme Joe Ma (Love Undercover), Teddy Chen (Bodyguards and Assassins), James Yuen (My Wife is 18) ou encore Alan Mak (A War Named Desire).


Lost and Found est une jolie romance, légère, pleine d’humour, mais aussi mélancolique et douce-amère. Lee Chi-Ngai, réalisateur méconnu mais ô combien intéressant, nous livre ici un bon film aux personnages attachants.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-lost-and-found-de-lee-chi-ngai-1996/

cherycok
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le 15 févr. 2024

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