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Il est assez perturbants de se retrouver dans un film qui conserve toujours des lieux communs, mais qui organise régulièrement des ruptures si énormes qu’elles brouillent totalement les repères du spectateur, ou le perdent dans des boucles (Renee, sœur jumelle ou pas ?). Encore une fois, le film se révèle être un tel casse tête que beaucoup de chroniques se bornent à décrire les différents axes, au vu de l’incapacité à cerner globalement le film. Il compile beaucoup de thématiques subtilement diluées dans le fil du récit, comme l’impuissance dans la première partie, la jouissance totale dans la seconde, et l’introduction du porno dans le récit (le personnage de Dick Laurent en est l’incarnation même, jusque dans son nom –Dick, pas besoin de faire un dessin (on pourrait d’ailleurs rebondir sur l’impuissance et la première phrase du film : « Dick Laurent is dead. »)). Pas nouveau de découvrir un contexte sexuel chez Lynch, ce dernier est toujours très présent, mais il bénéficie d’un développement conséquent (faisant même un clin d’œil au voyeurisme par l’intermédiaire des deux policiers chargés de la surveillance qui épient les moindres faits et gestes de notre protagoniste principal, y compris pendant ses escapades), car lié avec la folie, disons le, schizophrène, qui habite le film. Commençant comme un authentique thriller (excellente trouvaille que ces vidéos insidieuses qui s’infiltrent dans le logis pendant le sommeil des occupants). On penserait à Caché de Haneke, sauf qu’ici, dès la seconde, on est déjà dans l’angoisse totale. La menace n’est pas identifiée que le spectateur est déjà aux aguets. Le responsable de la menace, semblant tout droit sortir des années 30, est là aussi une vraie claque cinématographique, amorçant une micro boucle téléphonique, premier véritable élément fantastique du récit (et annonciateur de folie) ? La première partie du film se déroule dans une ambiance étrange, limite tordue, comme un thriller de home invasion où le quotidien de nos personnages semble vampirisé par le machiavélique intrus. Puis a lieu le traumatisme central (le meurtre, dont on ne verra que de vagues images très agitées), qui amorce le revirement complet de la narration, introduit le thème de la folie avant de rompre brutalement avec le changement pur et simple du personnage central. Par un miracle scénaristique, Fred Madison devient Pete Dayton, personnage qui n’avait jusqu’à maintenant jamais été abordé par le récit. Relâché après vérification de son identité, on suit alors Pete dans sa petite vie de garagiste. Question rupture, on a rarement été aussi coupé dans une narration. Et par intermittence, de petites connexions reviennent… Un air de saxophone à la radio, des crises d’amnésies… Jusqu’à la rencontre avec Alice, et pas tout à fait celle de ses rêves. Liée au maffieux Eddy par son obscure profession, ses appels au secours ne laissent pas Pete indifférent, et la planification d’un nouveau meurtre commence. Le ton du récit devient plus agressif, à l’image de la bande originale, qui donne alors dans le Rammstein et Marilyn Manson… Agressivité qui culmine au cours d’une nuit plutôt chargée question meurtre, et qui se livre à un curieux jeu concernant Renee / Alice (qui se ressemblent comme des jumelles), qui apparaissent sur la même photo, semant le doute dans l’esprit du spectateur avant une séquence cauchemardesque dans un couloir. Quant au retour de Fred (qui remplace donc Peter), il est lui aussi abrupt (il n’est occasionné par aucun élément déclencheur, on pourrait même croire à un faux raccord), rompant totalement avec toute tentative d’explication logique. On sort clairement du contexte de délire schizophrénique, on est au-delà. L’incarnation de la folie réside en tout cas dans l’étrange visiteur des années 30, qui armé de son caméscope, se révèle être le fidèle compagnon de Fred, l’épaulant dans sa « vengeance ». C’est d’ailleurs ce personnage qui introduit en premier dans le récit la « dualité » par son jeu de boucle téléphonique, et le premier donc à voir deux personnes à la fois (le même jeu qui se reproduira avec le premier rôle féminin du film). Tel qu’il est structuré, Lost Highway échappe à toute analyse. Il brasse en revanche une foule de thématiques (le spectateur sera d’ailleurs attiré par ce qui lui tient à cœur, dans le cas de ce blog, ce sera donc l’impuissance de la première partie et l’aura troublante de Renee/Alice), mélange les genres (policier, thriller, horreur pour les principaux) et joue surtout avec les codes cinématographiques, rompant volontiers avec la cohérence pour perdre intentionnellement son public dans une énigme sans issue (la fin sous forme de fuite en pleine transformation physique n’en est qu’un détail). Aussi déstabilisant que les promesses le laissaient entendre.
Voracinéphile
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le 21 sept. 2013

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