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Il y a une curiosité qui se forme dès lors qu'on apprend que Ryan Gosling, le dernier étendard du cinéma de Nicolas Winding Refn (Drive, Only God Forgives), s'apprête à réaliser un film par lui-même. Jusqu'ici acteur, et arrivé depuis peu sur le devant de la scène, Gosling a surtout intrigué quand la nouvelle est tombée. Pour cette première mise en scène, ce dernier nous conte l'histoire d'une ville désolée, vouée à l'effondrement, dans laquelle subsistent des personnages attachés à leur territoire, entre une mère protectrice perdue et ses deux enfants s'articulent des figures variées, du gangster impulsif au banquier douteux en passant par une adolescente perdue qui n'a qu'un rat comme réelle compagnie.
À voir, depuis sa présentation au Festival de Cannes 2014 dans la catégorie "Un Certain Regard", le long-métrage en a déçu plus d'un, et la tendance critique se trouvait plutôt dans le négatif qu'à l'opposé. La raison? Lost River vit tellement de ses influences qu'il ne parvient pas à survivre dans l'esprit, la faute à un manque criant de personnalité semble-t-il.


Tout naturellement, Lost River est bien sûr marqué par les inspirations dont il est porteur. Sa photographie, travaillée par Benoît Debie (qui officie aussi chez Refn et Noé) rappelle les ambiances néons des deux derniers films de N.W.R., tout autant qu'elle invoque par fulgurances les souvenirs du Enter The Void de Gaspar Noé, tout cela grâce à une profusions de couleurs dont la saturation est portée à l'extrême. Même si l'influence est là, ce n'est pas pour autant qu'il s'agit d'une reproduction simpliste de l'image de ces films, il n'est pas question ici de répéter des motifs visuels familiers au réalisateur. Au contraire, l'image oscille entre un réalisme lyrique qui n'est pas sans rappeler quelques plans de chez Terrence Malick, et un surréalisme ambiant qui, la nuit, déforme les décors et les visages. Le film vit alors aux bords du monde fantastique, notamment quand il évoque la présence d'une cité abandonnée sous l'eau qui aurait une influence sur la terre qui vit par-dessus.


L'image bénéficie ainsi d'un traitement des plus appréciables, donnant entre autres un aspect sensoriel à quelques séquences. Pour une première réalisation d'ailleurs, il faut noter le choix honorable de filmer en 35mm, un format qui donne directement au film une beauté singulière, que le numérique n'aurait pas capté de la même manière.


Mais l'image ne suffit pas, et, fort de ses quelques expérimentations visuelles, Lost River vit aussi d'un récit intrigant sur le long de ses 95 minutes. Tel un métronome virant continuellement de chaque côté, le film passe du jour, synonyme de bonheur toujours ensoleillé, à la nuit, métamorphosant le village entier et virant alors au cauchemar dans un décor où l'imprévisible est de mise. Cela dit, même si l'ensemble demeure captivant, il reste un montage qui fragmente les espaces et le temps bien plus qu'il ne le faudrait, et à cause de ce problème le récit perd en consistance. C'est lorsque l'on s'accroche à l'image et à ce qu'elle dit qu'une coupe au montage vient neutraliser l'intensité formée, et, à peine remis de ce que nos yeux ont vu, nous nous voyons obligés de passer à autre chose sans toutefois perdre le fil rouge de l'intrigue.


C'est donc là le réel souci, puisqu'au-delà de cet aspect négatif Gosling parvient à créer de vrais personnages, crédibles dans leurs errances et leurs situations. Aussi s'ajoute aux qualités déjà énoncées auparavant une composition musicale travaillée par Johnny Jewel (Chromatics) qui solidifie et permet l'uniformisation de l'ensemble-même du film.


Pour une première réalisation donc, Ryan Gosling profite largement de ses expériences passées sans pour autant oublier qu'il est derrière la caméra. Loin de là l'idée du pot-pourri sans consistance aucune, Lost River a une identité, mais cette identité n'est certainement pas propre au tout nouveau metteur en scène, ayant encore le temps, s'il le désire, pour se forger son propre univers cinématographique. On ressort alors de la salle avec l'impression qu'un élève a très bien appris ses leçons et qu'il a insufflé dans son travail une belle part de sa personne, semblant tout de même pressé de terminer son projet sur la table de montage.

endist
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le 8 avr. 2015

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Justin M

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