Louise Wimmer par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Faisons connaissance avec Louise Wimmer, bientôt cinquante ans, divorcée et vivant de travaux précaires. Le seul bien qui lui reste est son break "Volvo" dans lequel elle tente de survivre munie de quelques affaires personnelles qu'elle est parfois obligée de vendre. Louise n'est pas une femme expansive mais pleine de dignité. Son but est de vite effacer la vie qu'elle a connue auparavant et de trouver l'appartement qu'elle attend depuis six mois. Cette femme va nous faire découvrir son parcours de combattante afin d'obtenir auprès de l'administration le minimum pour ne pas glisser davantage dans le désespoir.

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Louise n'a rien d'une mendiante bien au contraire. Elle passe sa vie à se faire exploiter dans son travail où son air désabusé et sa tenue parfois modeste ne font pas l'unanimité auprès de son supérieur hiérarchique.

Malgré tout, cette femme admirable qui n'a que sa voiture capricieuse pour appartement courbe l'échine pour ne pas aggraver sa situation financière et payer ses quelques dettes. Louise avait fondé une famille mais son mari l'a abandonné et sa fille également. Seules les photos font surgir ce passé avec quelques larmes mais il faut vite se reprendre: sa vie n'est que lutte incessante. Il lui faut affronter cette administration lourde et parfois arrogante pour obtenir un toit. Il lui faut connaître quelques petites combines pour trouver du carburant pour la voiture. Il lui faut aussi compter un peu sur de bons copains compréhensifs occasionnellement pour quelques services indispensables. La musique de l'autoradio avec sa passion pour "Nina Simone" et les cigarettes sont en fait ses seules compagnes d'infortune dans cette existence blafarde. Louise a pourtant un cœur énorme et si elle se montre rancunière vis à vis de son ex-mari, elle fait preuve de beaucoup de cœur et de tendresse pour sa fille qu'elle n'aperçoit que quelques instants au coin d'une table de bistro.
Chaque jour est une nouvelle étape dans cette course désespérée pour retrouver la dignité, se sentir propre et pour cela elle ne pourra compter que sur la providence car notre société n'aime pas les démunis, elle les évite et les broie.

Voici donc ce portrait de femme que nous découvrons grâce à Cyril Mennegun qui se sert ici de son talent de réalisateur de reportage.
A suivre Louise pas à pas jusque dans son intimité, je n'ai pu être que séduit par cette femme pleine de majesté et de ténacité face à la misère. Certes Louise n'est pas loquace mais tout est dans ses pensées. Ses expressions valent plus chers que des mots. Dans ce rôle terriblement difficile à interpréter, Corinne Masiero est absolument magistrale. Elle ne surjoue jamais, elle épouse avec une justesse absolue son personnage de femme en péril livrée à elle-même. Elle nous transporte littéralement dans ses moments de révolte, de colère, de désespoir et parfois d'euphorie. Personnellement je reste sous le choc de ce film bienfaiteur car à notre époque personne ne peut ignorer de telles situations.

Néanmoins pour ceux qui font semblant de ne rien voir, cette œuvre a le grand mérite de leur éclater à la face en espérant qu'elle contribuera à éveiller quelques consciences endormies et satisfaites d'elles-même.

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C'est donc la première fiction de Cyril Mennegun qui est plutôt un réalisateur de documentaires. Par cette œuvre il nous trace un portrait de femme, magnifique et bouleversant, nous promenant au milieu de ce petit monde de la rue. Cette œuvre sans concession force à regarder la détresse de nos semblables et à la saisir.
En fait, personne ne peut se croire épargné par le malheur dans cette société en folie. Je ne peux donc que vous conseiller de passer quatre-vingt minutes à vivre quelques nuits et quelques jours en compagnie d'une femme combattante et admirable à souhait qui nous lance un cri d'alarme.

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Ce film a obtenu :

2013 : César du meilleur premier film
2013 : Prix Louis-Delluc du meilleur premier film décerné en décembre 20124
2013 : Prix du Syndicat français de la critique de cinéma pour le meilleur premier film5.
2013 : Prix SACD Nouveau talent cinéma.
2013 : Étoile d'or du cinéma français pour le meilleur premier film6.
2012 : Swann d'or coup de cœur au Festival du film de Cabourg pour Corinne Masiero
2011 : Prix de la ville d'Amiens Festival international du film d'Amiens
2011 : Bayard d’or de la Meilleure première œuvre au festival international du film francophone de Namur7.
2011 : Prix du public au festival Entrevues de Belfort8.
2011 : Œil d'or de la meilleure actrice au Festival du film de Zurich pour Corinne Masiero
2011 : Prix d'interprétation au Festival du Film de Dieppe pour Corinne Masiero

Créée

le 9 mars 2023

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